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de l’anéantissement pesant sur toute chose belle, pour comprendre que nous avions accompli en une année d’abnégation une œuvre pieuse et déjà grande. Pourquoi voulez-vous que les camarades, quand ils auront travaillé comme nous l’avons fait, n’aient pas comme nous ce même élan vers l’avenir que rien n’a pu briser ?

[Le Patron s’approche de Jouvet et le presse légèrement dans ses bras.]
Weber (parlant de l’autre côté du Patron)

Il faut aussi nous laisser le temps, Patron, de nous ressaisir, d’écarter de nos yeux des images trop affreuses. Moi, je suis de Rheims.

Copeau

Ces images, mes amis, ne les écartez pas de vos yeux. Il faut qu’elles nous inspirent. Mais gardons-les secrètes. Nous n’exploiterons jamais des émotions sacrées. Nous ne parlerons pas de nos souffrances. Nous ne déploierons pas sur une scène de théâtre le drapeau des combats. Nous ne chanterons pas d’hymne guerrier. Nous ne ferons pas applaudir un acteur sous l’uniforme bleu. Celui qui représente ici la France, qui est l’ami de Ronsard, de Shakespeare et de tous nos vieux auteurs, nous a donné l’exemple de la délicatesse et de la dignité. Mais dans toutes nos actions, dans tous nos gestes, dans la moindre intonation du beau langage qu’il nous est donné de parler, nous tâcherons d’être reconnus pour de véritables Français… J’avais besoin de vous parler, mes amis. C’est fait. Maintenant, travaillons.

[Restent en scène : Dhurtal, Sarment, Chotin, Chifoliau, Bing, Tessier, Lucienne Bogaert, Paulette Noizeux.]


* Je veux vous dire encore une fois tous vos caractères, afin que vous vous les imprimiez fortement dans l’esprit *


[À Chotin] :

Vous, Chotin, vous êtes le jeune homme. C’est à dire, qu’il faut que vous exprimiez la jeunesse. Et pour cela,

Nota : Le texte compris entre astérisques est de Molière.