D’où viens-tu, toi ?
De Champagne.
Moi c’est au fond d’un petit village, le soir, que la nouvelle resplendissante m’est apparue : notre Vieux-Colombier qui renaît… Mon vieux Millet, quand j’ai su le Patron de retour d’Amérique, quand j’ai vu notre petit théâtre rouvert, les ouvrières tirant l’aiguille, les peintres teignant les étoffes, et déjà des costumes flamboyant sur les mannequins parmi toute une agitation légère de femmes allant et venant… je ne pouvais pas y croire.
C’est la vie… C’est l’âme qui reprend son essor, c’est la voix humaine s’élevant au milieu du tumulte.
Qu’elle ne se taise plus jamais ! (Se tournant vers Suzanne)
À quoi penses-tu, Suzanne ?
Au pays, que nous avons quitté. À ceux qui souffrent et attendent ; à ceux qui désespèrent. À Paris, qui depuis près de quatre ans gît dans l’obscurité, serrant tous ses trésors contre son cœur. Aux quais de la Seine, à Montmartre et à un petit marchand d’antiquités de la rue des Saint-Pères.
Ne parlez pas de ça, voyons, c’est bête.
Je pense aux soldats dans la terre, et à ceux qui attendent sur les quais des gares, la nuit.