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Weber

D’où viens-tu, toi ?

Millet

De Champagne.

Weber

Moi c’est au fond d’un petit village, le soir, que la nouvelle resplendissante m’est apparue : notre Vieux-Colombier qui renaît… Mon vieux Millet, quand j’ai su le Patron de retour d’Amérique, quand j’ai vu notre petit théâtre rouvert, les ouvrières tirant l’aiguille, les peintres teignant les étoffes, et déjà des costumes flamboyant sur les mannequins parmi toute une agitation légère de femmes allant et venant… je ne pouvais pas y croire.

Millet

C’est la vie… C’est l’âme qui reprend son essor, c’est la voix humaine s’élevant au milieu du tumulte.

Weber

Qu’elle ne se taise plus jamais ! (Se tournant vers Suzanne)
xxxxÀ quoi penses-tu, Suzanne ?

(Gournac, Vallée et Dhurtal se sont déjà rapprochés. Pendant ce qui suit, Mmes Nau, Tessier, Lory, Geoffroy et Noizeux entrent à des intervalles différents et forment le cercle autour du petit groupe composé de Weber, Millet et Suzanne)
Suzanne, (allant à Weber)

Au pays, que nous avons quitté. À ceux qui souffrent et attendent ; à ceux qui désespèrent. À Paris, qui depuis près de quatre ans gît dans l’obscurité, serrant tous ses trésors contre son cœur. Aux quais de la Seine, à Montmartre et à un petit marchand d’antiquités de la rue des Saint-Pères.

Vallée

Ne parlez pas de ça, voyons, c’est bête.

Suzanne

Je pense aux soldats dans la terre, et à ceux qui attendent sur les quais des gares, la nuit.