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tente qui suivirent, le vieillard, poussé par un désir secret de connaître la cause de tant de mystère, se rapprocha insensiblement de plus en plus, jusqu’à ce qu’il ne fût qu’à quelques pas de l’enceinte sacrée. L’agitation de la toile annonçait seule la présence de ceux qu’elle cachait et qui du reste gardaient le silence le plus rigide. Il paraissait que tous deux étaient habitués depuis longtemps à faire ce qui les occupait alors ; car Ismaël n’avait pas besoin de dire un seul mot, de faire un seul geste pour apprendre à son sinistre associé comment il devait s’y prendre. En moins de temps qu’il n’en a fallu pour le raconter, tous les arrangements intérieurs étaient terminés, et les deux hommes reparurent hors de la tente.

Trop occupé de ses préparatifs pour remarquer la présence du Trappeur, Ismaël se mit à détacher les plis de la toile qui tenaient à terre et à les disposer autour du chariot couvert, de manière à former une sorte de draperie flottante qui entourait le petit pavillon. À chaque impulsion qui était donnée à la voiture, le cintre voûté tremblait ; et il était évident qu’elle portait de nouveau le fardeau secret qui nécessitait toutes ces précautions. Au moment où il venait d’achever son travail, le regard distrait d’Ismaël se porta par hasard sur celui qui l’observait si attentivement. Laissant tomber le timon qu’il avait déjà levé de terre pour occuper la place qui était ordinairement remplie par un animal moins raisonnable et peut-être moins dangereux que lui, il s’écria brusquement :

— Je suis un fou, comme vous dites souvent ! oui, je devais en être certain. Si cet homme n’est pas un ennemi, je consens à être l’opprobre de ma famille, à m’appeler Indien, et à aller chasser avec les Sioux.

Le nuage, au moment où il s’apprête à lancer l’éclair rapide, n’est ni plus sombre ni plus menaçant que ne l’était le regard qu’Ismaël lança sur le vieillard. Il tourna la tête de tous côtés comme s’il cherchait quelque arme assez terrible pour le pulvériser d’un seul coup ; mais, se rappelant sans doute qu’il pourrait avoir encore besoin de ses conseils, il parvint à se contenir assez pour dire avec une apparence de modération :

— Étranger, je croyais que fourrer ainsi le nez dans les affaires des autres était bon pour les femmes qui vivent dans les villes et les habitations, mais que ce n’était pas ainsi qu’agissaient des hommes accoutumés à vivre là où il y a assez de place pour cha-