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qu’elle me servait tout à la fois de flambeau et de bouclier. Mais vous allez entendre la description de l’animal, et vous jugerez alors des dangers que nous autres savants nous courons tous les jours pour agrandir le domaine de la science.

Le naturaliste approcha les tablettes de ses yeux, et se disposa à lire du mieux qu’il lui serait passible, à la clarté du firmament ; cependant il ne put s’empêcher de dire encore quelques mots d’introduction avant de commencer sa lecture.

— Écoutez, ma chère enfant, répéta-t-il encore, et vous sautez de quel trésor j’ai eu le bonheur d’enrichir les pages de l’histoire naturelle.

— C’est donc une création de votre génie ? dit Hélène faisant trêve un instant à ses reproches inutiles pour s’amuser du faible du docteur avec l’enjouement qui lui était naturel.

— Une création ! l’homme a-t-il donc le pouvoir de donner le vie à la matière inanimée ? Plût à Dieu qu’il en fût ainsi ! vous verriez bientôt une Historia naturalis americana, qui ferait rentrer sous terre les risibles imitateurs de ce Français de Buffon ! Par exemple, il y aurait moyen de simplifier extrêmement la machine animale, et de l’améliorer d’une manière sensible, surtout pour les animaux dans lesquels l’agilité est une vertu. Il faudrait que deux des membres inférieurs fussent disposés d’après le principe du levier ; des roues, peut-être, telles qu’on les fait à présent, quoique je n’aie pas encore bien arrêté si ce changement devrait tomber sur les pattes de devant ou sur celles de derrière, attendu que je suis encore à apprendre ce qui demande la plus grande force musculaire, ou de tirer ou de pousser. Une exsudation naturelle de l’animal pourrait prévenir l’effet du frottement, et l’on obtiendrait les plus heureux résultats. Mais il n’en faut point parler, du moins pour l’instant, ajouta-t-il en soupirant ; puis, levant de nouveau ses tablettes vers le ciel, il se mit à lire à haute voix :

Six octobre 1805, — c’est simplement la date, que, j’ose le dire, vous savez aussi bien que moi. — Quadrupède vu au clair de la lune, et à l’aide d’une petite lampe de poche, dans les Prairies de l’Amérique septentrionale (voyez le journal pour la latitude et le méridien). Genus, inconnu, appelé en conséquence du nom de celui qui l’a découvert, et d’après l’heureuse coïncidence qui l’a fait découvrir la nuit, vespertitio horribilis americanus[1]. Dimensions

  1. Bat, en anglais, veut dire chauve-souris, que le naturaliste traduit par vesperillo