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— Chasseur ou Trappeur, il y a peu de différence. Vieillard, je suis venu dans cette contrée parce que la loi me serrait de trop près, et que je n’aime pas à avoir des voisins qui ne sauraient arranger une querelle sans fatiguer un juge et douze autres hommes ; mais je ne suis pas venu pour me voir enlever mon bien, et dire ensuite merci à l’homme qui me l’a pris.

— Celui qui s’aventure si avant dans les Prairies doit se faire aux manières de ceux qui en sont les maîtres.

— Les maîtres ! répéta l’émigrant avec humeur ; j’ai des droits tout aussi légitimes à la terre sur laquelle je marche qu’aucun des gouverneurs des États ! Pourriez-vous me dire, étranger, où est la loi, où est la raison qui dit qu’un homme aura une section, une ville, peut-être même une province à lui tout seul, tandis qu’un autre homme sera obligé de mendier un coin de terre pour y creuser sa fosse ? Ce n’est donc point dans la nature, et je nie que ce soit dans la loi, — la loi du moins telle qu’elle doit être, et non pas telle que vous l’avez faite.

— Je ne puis dire que vous ayez tort, répondit le Trappeur, dont les opinions sur cette matière importante, quoique partant de principes bien différents, étaient cependant merveilleusement d’accord avec celles de son compagnon ; j’ai toujours pensé de même, et j’en ai souvent dit autant, lorsque j’ai cru que ma voix pouvait être entendue. Mais ceux qui ont dérobé vos troupeaux se prétendent les maîtres de tout ce qu’ils trouvent dans les déserts.

— Ils feront bien de ne pas le soutenir en face d’un homme qui sait mieux ce qui en est, dit l’émigrant d’une voix sourde et menaçante. Je puis m’appeler un honnête marchand, qui donne en retour autant qu’il reçoit. Vous avez vu les Indiens ?

— Oui, j’étais leur prisonnier lorsqu’ils se sont glissée dans votre camp…

— Est-ce ainsi qu’un blanc, un chrétien aurait dû agir en pareille occasion ? ne devait-il pas m’avertir à temps ? reprit Ismaël en jetant un regard sinistre sur le Trappeur, comme s’il méditait encore d’attenter à ses jours. Je ne suis pas très-empressé d’appeler cousin le premier homme qui se trouve sur ma route ; mais pourtant la couleur doit être quelque chose, surtout lorsque des chrétiens se rencontrent dans un lieu comme celui-ci. Au surplus, ce qui est fait est fait, et tous les discours du monde n’y changeraient rien. Enfants, sortez de votre embuscade ; il n’y a