Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conservé autant de subtilité, et qu’il eût mis autant de promptitude à agir ; car à peine étaient-ils penchés contre terre, que les coups brefs et aigus du fusil de l’ouest retentirent à leurs oreilles, et le plomb meurtrier passa en sifflant au-dessus de leur tête.

— À merveille, jeunes drôles ! à merveille, vieille cervelle ! dit tout bas Paul, dont aucun péril, aucune position ne pouvait arrêter tout à fait l’impétuosité ; voilà une décharge qui vous fait honneur. Eh bien ! Trappeur, il me semble que la guerre gagne de ce côté. Ce serait mal à nous de rester leurs débiteurs ; si je leur répondais ?

— Ne leur répondez pas, reprit vivement le vieillard, ou que ce ne soit qu’en paroles ; autrement vous êtes perdus tous deux.

— Je doute que si je faisais parler ma langue au lieu de mon fusil, les choses y gagnassent beaucoup, dit Paul d’un ton de plaisanterie, mais qui n’était pas sans aigreur.

— Au nom du ciel, qu’ils ne vous entendent point ! s’écria Hélène ; partez, Paul, éloigner-vous ; vous le pouvez aisément.

Plusieurs décharges successives, plus rapprochées les unes que les autres, lui coupèrent la parole, et la crainte autant que la prudence l’empêchèrent de la reprendre.

— Il faut que cela finisse, dit le Trappeur en se relevant avec la dignité et le sang-froid d’un homme qui médite un acte de dévouement ; je ne sais, enfants, quel besoin vous pouvez avoir de craindre ceux que vous devriez aimer et honorer l’un et l’autre ; mais il faut prendre un parti pour vous sauver la vie. Quelques heures de plus ou de moins importent peu à un homme qui compte déjà tant de jours ; je vais donc me montrer, profitez de cet instant pour vous retirer, et puisse Dieu vous bénir l’un et l’autre, et vous accorder tout le bonheur que vous méritez !

Sans attendre de réponse, le Trappeur descendit hardiment la colline, et se dirigea vers le camp d’un pas ferme et assuré, qu’aucun sentiment de crainte ne lui fit ni presser ni ralentir. Les rayons de la lune, plus vifs dans ce moment, tombaient sur sa personne, et servaient à informer les émigrants de son approche. Indifférent à cette circonstance défavorable, il continuait silencieusement sa marche, lorsqu’une voix forte et menaçante l’arrêta en criant :

— Qui est là ? un ami ou un ennemi ?

— Un ami, répondit-il, un homme qui a vécu trop longtemps pour troubler par des querelles la fin de sa vie.