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la troupe, hommes et chevaux, de changer de position. Le mouvement se fit dans un morne silence, et avec un ordre qui aurait fait honneur au bataillon le mieux discipliné. Lorsqu’on fit halte, et que les prisonniers eurent le loisir de reconnaître où ils étaient, ils virent qu’ils se trouvaient en vue du petit bois près duquel était campé Ismaël.

Il se tint alors une nouvelle délibération très-courte, mais extrêmement grave et réfléchie.

Les chevaux, qui semblaient habitués à ces attaques couvertes, silencieuses, furent de nouveau placés sous la surveillance de gardiens qui furent chargés en même temps, comme la première fois, de veiller sur les prisonniers. Le Trappeur, dont l’inquiétude augmentait à chaque instant, ne fut aucunement tranquillisé quand il vit que c’était Wencha qui était placé près de sa personne, et qui, à en juger du moins par son air de triomphe et d’autorité, commandait aussi le détachement. Néanmoins le sauvage, qui avait sans doute ses instructions secrètes, se contenta de brandir son tomahawk[1] avec un geste expressif en regardant Hélène. Après cet avertissement éloquent donné aux deux prisonniers du sort qui attendait à l’instant leur compagne, au moindre signe d’alarme que l’un d’eux se permettrait de donner, il se renferma dans un rigide silence, et, grâce à ce répit qu’ils étaient loin d’attendre de la part de Wencha, ils purent donner toute leur attention à ce qu’ils pouvaient voir du spectacle intéressant qui se passait devant eux.

Toutes les dispositions furent faites par Mahtoree en personne. Il indiqua lui-même le poste précis que chacun devait occuper, comme un homme qui connaissait à fond les qualités respectives de ses compagnons, et on lui obéit à l’instant avec cette déférence que les Indiens montrent toujours aux ordres de leur chef dans les moments décisifs. Il détacha les uns à droite, d’autres à gauche. Sitôt qu’il avait fait un signe, l’homme désigné partait d’un pas rapide, mais sans faire aucun bruit, et bientôt chacun fut à son poste, à l’exception de deux guerriers qui restèrent près de la personne de leur chef. Dès qu’il se vit seul avec ces compagnons de son choix, Mahtoree se tourna vers eux, et leur annonça par un geste expressif que le moment critique était arrivé de mettre à exécution le plan qu’ils avaient concerté ensemble.

  1. Hache des sauvages. Voyez les notes du Dernier des Mohicans.