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s’étaient retirés. Par intervalles, le bruit des pas des chevaux retentissait à leurs oreilles, apporté par le vent du soir ; l’instant d’après la marche de la troupe à travers l’herbe plus épaisse était légère et presque insensible, et alors on eût pu croire que cette apparition n’avait rien de terrestre. Le Trappeur, qui avait rappelé son chien, et l’avait fait coucher à côté de lui, se mit aussi à genoux dans l’herbe, son œil prompt et vigilant suivant toujours les Sioux, tandis que sa voix calmait tour à tour les craintes de la jeune fille, et retenait l’impatience du jeune homme.

— Il y a plus de trente de ces mécréants, où il n’y en a pas un, dit-il en guise d’épisode après maints commentaires qu’il avait murmurés entre ses dents. — Bon ! voilà qu’ils s’éloignent du côté de la rivière. — Paix, Hector ! paix, mon garçon ! — Allons, voilà qu’ils viennent par ici à présent ; on dirait que les brigands ne savent pas eux-mêmes où ils vont. Si nous étions seulement six, mon jeune ami, quelle belle embuscade nous pourrions leur dresser ici même ! Allons, allons, de la prudence, jeune tête ! baissez-vous davantage, ou vous serez découvert. En outre, je ne sais pas trop si nous serions dans notre droit, attendu qu’ils ne nous ont fait aucun mal. — Allons, voilà qu’ils redescendent vers la rivière.

— Non, parbleu ! ils montent la colline. — Voilà le moment d’être aussi immobile que si la respiration avait fini sa tâche et qu’elle eût quitté le corps.

À peine avait-il dit ces mots, qu’il s’enfonça dans l’herbe, comme si la séparation dernière, à laquelle il venait de faire allusion, se fût effectivement opérée en lui ; et au même instant une troupe d’hommes à cheval passa comme un tourbillon auprès d’eux, avec autant de rapidité et avec aussi peu de bruit que si c’eût été autant de spectres qui eussent apparu tout à coup. À peine se furent-ils éloignés que le Trappeur se hasarda à lever la tête au niveau de la tige des herbes touffues, faisant signe en même temps à ses compagnons de rester à leur place et de garder le silence.

— Ils descendent la colline du côté du camp, dit-il à voix basse.

— Non, ils s’arrêtent en bas, et se rassemblent en conseil comme un troupeau de daims. De par le ciel ! ils reviennent sur leurs pas, et nous ne sommes pas encore débarrassée de ces brigands.

Il s’enfonça de nouveau dans l’herbage, et l’instant d’après la troupe sauvage parut sur le point le plus élevé de la petite colline, continuant à courir en désordre. Il devint bientôt évident