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le voir, un sourire bienveillant anima ses traits décolorés, et prouva qu’il les reconnaissait.

— J’espère que vous n’avez pas oublié si vite ceux à qui vous avez rendu tant de services, dit Middleton en finissant. Il serait pénible pour moi de penser que je n’avais laissé dans votre mémoire qu’une trace aussi légère.

— Je n’oublie guère ce que j’ai vu une fois, répondit le Trappeur ; je suis à la fin de bien des longs jours ; mais il n’en est pas un seul sur lequel je craigne de reporter les yeux. Je vous remets très-bien, vous et tous ceux qui vous accompagnent ; oui, et votre grand-père aussi, qui est parti avant vous. Je suis bien aise que vous soyez revenu dans cette Prairie, car j’ai besoin de quelqu’un qui parle anglais, attendu qu’on ne peut guère se fier aux marchands de ces contrées. Voulez-vous rendre un service, mon garçon, à un vieillard mourant ?

— Parlez ! s’écria Middleton ; que ne ferais-je pas pour vous ?

— C’est un long voyage pour envoyer de pareilles bagatelles, reprit le vieillard qui ne parlait qu’à de courts intervalles, selon que ses forces et son haleine le lui permettaient ; qui dit un long voyage dit un voyage fatigant ; mais la bienveillance et l’amitié sont des choses qu’on ne doit pas oublier. Il y a des habitations au milieu des montagnes de l’Otsego…

— Je connais l’endroit, interrompit Middleton en voyant qu’il parlait avec plus de peine ; veuillez me dire ce que vous désirez.

— Prenez donc cette carabine, ce sac à plomb et cette corne à poudre, et faites-les remettre à la personne dont le nom est gravé sur la platine du fusil. Un marchand a taillé les lettres avec son couteau, car il y a longtemps que j’ai le projet de lui envoyer cette preuve de mon attachement[1].

— Vos intentions seront remplies. Est-il quelque autre chose que vous désiriez ?

— Je n’ai rien autre chose à donner. Mes trappes, je les laisse à mon fils l’Indien, car il a gardé franchement et loyalement sa promesse. Que je le voie un moment devant moi.

Middleton expliqua au jeune chef ce que le Trappeur avait dit, et lui céda sa place.

— Pawnie, continua le vieillard en changeant toujours de lan-

  1. Les lecteurs des Pionniers ne peuvent avoir oublié l’attachement de Bas-de-Cuir pour son jeune ami Olivier Edwards, autrement appelé le jeune Effingham : on doit rapprocher le dernier chapitre des Pionniers de celui-ci.