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reur indien, qui faisait partie d’une peuplade amie, pour annoncer son approche et celle de sa petite troupe, et il continua sa route d’un pas modéré, afin que, suivant l’usage, le message précédât son arrivée. À la grande surprise des voyageurs, ils ne reçurent aucune réponse. Les heures se passèrent, et ils avançaient de plus en plus sans que rien indiquât qu’on s’apprêtât à leur faire une réception honorable, ou même simplement un accueil amical.

À la fin la cavalcade, en tête de laquelle marchaient Paul et Middleton, descendit de la colline élevée qu’ils suivaient depuis longtemps, pour entrer dans une vallée fertile au bout de laquelle s’élevait le village des Loups. Le soleil commençait à se retirer, et un réseau de pourpre s’étendait insensiblement sur la plaine, donnant à sa surface unie ces couleurs et ces teintes brillantes dont l’imagination humaine se plaît à embellir des scènes plus imposantes encore. L’herbe n’était pas encore desséchée, et des troupeaux de chevaux paissaient paisiblement dans ces vastes pâturages, sous la surveillance attentive ne jeunes garçons pawnies. Paul reconnut au milieu d’eux le cher asinus, qui, gros et gras, et semblant savourer toutes les douceurs de la vie, était mollement étendu sur l’herbe, l’oreille penchée, la paupière à demi fermée, comme s’il réfléchissait aux jouissances pures et sans mélange d’une heureuse oisiveté.

Nos voyageurs passèrent près dans de ces jeunes gardiens auxquels était confié l’emploi important de veiller sur ce qui faisait la principale richesse de la tribu. Il entendit le pas des chevaux, et tourna un instant la tête ; mais, sans témoigner aucun sentiment de curiosité ni d’alarme, il reporta aussitôt ses regards sur le village.

— Il y a quelque chose de bien singulier dans tout ceci, murmura Middleton, un peu piqué de ce qu’il regardait non seulement comme un outrage fait à son rang, mais même, jusqu’à un certain point, comme une offense personnelle ; ce marmot a su que nous allions arriver, autrement il ne manquerait pas de courir avertir sa tribu, et cependant c’est tout au plus s’il daigne nous favoriser d’un regard. Ayez l’œil sur vos armes, mes amis ; il sera peut-être nécessaire d’intimider un peu ces sauvages.

— Pour le coup, capitaine, répondit Paul, je pense que vous êtes dans l’erreur. Si l’honneur est une chose qu’on puisse trouver dans la Prairie, c’est surtout dans notre ami Cœur-Dur qu’il fait sa résidence. Il ne faut pas non plus juger un Indien d’après les