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sous votre bras cette bonne et brave fille que voilà, et il est de votre devoir à présent de songer à elle autant qu’à vous, en continuant le pénible voyage de la vie. Vous êtes un peu porté à rester en dehors des habitations ; mais, à mon avis, et je vous le dis en toute humilité, c’est une jeune fleur qui viendrait mieux au soleil, au milieu des défrichements, qu’exposée aux vents d’une Prairie. Ainsi donc, oubliez tout ce que vous avez pu m’entendre dire, quoique pourtant je n’aie rien dit que de vrai, et songez à rentrer dans l’intérieur.

Paul ne put lui répondre que par un nouveau serrement de main, qui aurait arraché des larmes des yeux de la plupart des hommes, mais qui ne produisit d’autre effet sur les muscles endurcis du vieillard, que de le faire sourire et incliner la tête, comme s’il voulait dire qu’il recevait ses démonstrations comme une assurance que le chasseur d’abeilles se souviendrait de ses conseils. Le Trappeur se détourna alors de son compagnon, qui, sous des manières un peu rudes, cachait le meilleur cœur, et appelant Hector qui était sur la barque, il parut avoir encore quelque chose à dire.

— Capitaine, reprit-il enfin après un moment d’hésitation, lorsqu’un homme pauvre parle de crédit, il se sert d’un mot bien délicat, d’après la manière de voir du monde ; et lorsqu’un vieillard parle de l’avenir, il parle de ce qu’il ne verra peut-être jamais. Cependant j’ai une demande à vous faire, et ce n’est pas tant pour moi que pour une autre personne. Voici Hector, un bon et fidèle animal, qui a dépassé depuis bien longtemps la durée de la vie d’un chien, et qui, comme son maître, pense moins à présent à courir après le gibier qu’à finir doucement ses jours. Cette pauvre créature à ses affections aussi bien qu’un chrétien. Depuis qu’il a trouvé son parent, qui est là-bas, il ne l’a pas quitté un seul instant, et il paraît se plaire beaucoup dans sa société. J’avouerai qu’il m’en coûte de les séparer si vite. Si vous voulez estimer votre chien, je m’efforcerai de vous en envoyer la valeur au printemps, ce qui ne me sera pas difficile, si les trappes en question me sont fidèlement apportées ; ou bien, si vous avez de la répugnance à vous défaire pour toujours de la bête, prêtez-le-moi seulement pour l’hiver. Je crois m’apercevoir que mon pauvre chien n’ira pas plus loin, car j’ai de l’expérience pour ces sortes de choses, attendu le grand nombre d’amis que j’ai vus partir sous mes yeux, tant chiens que Peaux-Rouges, quoique le Sei-