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est haute, et le bruit est étouffé. Ah ! voilà qu’ils passent sur la terre dure. Chut ! ils montent la colline et viennent droit sur nous. Ils seront ici avant que vous puissiez trouver un abri.

— Venez, Hélène, dit le jeune homme en prenant sa compagne par la main ; essayons de gagner le camp.

— Il est trop tard ! trop tard, s’ecria le Trappeur, car les voilà qui se montrent devant nous, et c’est une bande infernale de ces maudits Sioux, à en juger à leur air de voleurs et à la manière dont ils se sont débandés dans la Prairie.

— Sioux ou diables, quels qu’ils soient, ils verront que nous sommes des hommes ! s’écria le chasseur d’abeilles, d’un air aussi fier que s’il eût commandé une troupe d’une force supérieure et d’un courage égal au sien. Vous avez un fusil, bon vieillard, et vous en tirerez bien un coup en faveur d’une jeune fille chrétienne, sans défense.

— Ventre à terre ! couchez-vous dans l’herbe tous les deux, vite dans l’herbe ! dit le Trappeur à voir basse en lui montrant tout près d’eux un endroit où l’herbe était plus épaisse que partout ailleurs. Vous n’avez pas le temps de fuir, et vous n’êtes pas en nombre pour combattre, jeune insensé. Vite dans l’herbe, si vous voulez sauver la jeune fille, ou si votre vie vous est chère !

Ses remontrances, accompagnées de gestes prompts et énergiques, produisirent aussitôt leur effet, et ses conseils furent suivis avec cette obéissance passive que l’imminence du danger commandait impérieusement. La lune était descendue derrière un rideau de nuages minces et vaporeux qui bordait l’horizon, et à travers lequel sa clarté faible et vacillante perçait tout juste assez pour rendre les objets visibles, et en dessiner les formes et les proportions. Le Trappeur, en prenant sur ses compagnons cette espèce d’ascendant que la résolution et l’expérience exercent d’ordinaire dans les ces désespéré, avait réussi à les cacher dans l’herbe ; et, à l’aide du peu de lumière que jetait l’astre obscurci, il suivait les mouvements de cette troupe désordonnée, qui, comme autant de démons répandus dans la plaine pour y célébrer pendant la nuit leurs bruyantes orgies, courait de tous côtés par bonds impétueux

C’était bien une troupe d êtres humains qui approchait avec une rapidité vraiment effrayante, et dans une direction qui laissait peu d’espoir que quelques-uns d’entre eux pour le moins ne passassent point à l’endroit que le Trappeur et ses compagnons