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accompagneriez chez nous, où je vous donne l’assurance que nous aurions tous réuni nos efforts pour assurer votre bonheur.

— Oui, mon garçon, oui, je vous crois ; vous auriez fait tous vos efforts ; mais que peuvent les efforts de l’homme contre les manœuvres du diable ? Parbleu, si des offres faites de bon cœur, si la bonne volonté, si la franchise avaient pu me tenter, j’aurais pu être il y a bien des années membre du congrès, que sais-je ? gouverneur même. C’était aussi le désir de votre grand-père ; et il y a encore dans les montagnes de l’Ostego, oui, j’espère qu’il s’y trouve encore des hommes qui m’auraient volontiers donné un palais pour demeure[1]. Mais que sont les richesses sans le contentement ? De toute manière ma vie ne saurait plus être longue à présent, et il n’y a pas, je crois, grand mal à un vieillard qui a rempli honnêtement son rôle pendant près de quatre-vingt-dix étés et autant d’hivers, de désirer passer en paix et loin du bruit le peu d’heures qui lui restent à vivre. Si vous pensez, capitaine, que j’aie eu tort de vous accompagner jusqu’ici pour vous quitter ensuite, je vais vous en avouer la raison sans hésiter et sans rougir. Quoique j’aie vécu si longtemps dans le désert, je ne puis disconvenir que mes affections ne soient blanches aussi bien que ma peau. Or, voyez-vous, il n’eût pas été convenable que les Pawnies-Loups qui sont là-bas eussent été témoins de la faiblesse d’un vieux guerrier, s’il vient à en montrer en se séparant pour jamais de ceux qu’il a toute raison d’aimer, quoique son amour pour eux ne puisse aller jusqu’à les suivre au milieu des habitations.

— Écoutez, vieux Trappeur, s’écria Paul en toussant de toutes ses forces pour s’éclaircir la voix, puisque vous parlez de marché, j’en ai justement un à vous proposer, et ce n’est ni plus ni moins que celui-ci : je vous offre, moi, la moitié de tout ce que je possède, et je m’embarrasse peu que ce soit la plus grosse moitié ; de plus, le miel le plus doux et le plus pur qu’on puisse tirer du caroubier ; toujours suffisamment de quoi manger, et de temps en temps une bouchée de venaison, ou bien encore un morceau de bosse de bison, attendu que c’est un animal avec lequel j’ai intention de faire plus ample connaissance, et le tout apprêté par les mains d’une ménagère non moins habile qu’Hélène Wade que voici, et qui sera bientôt Hélène quelque autre chose, sans parler

  1. Voyez les Pionniers.