Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ismaël se mit en devoir d’exécuter ses nouveaux projets. Les craintes immédiates du coupable furent apaisées par l’assurance qu’il reçut qu’il pourrait encore vivre quelques jours, quoique son châtiment fût inévitable. Un moment de répit produit momentanément les mêmes effets qu’un pardon complet sur un homme aussi abject et aussi misérable qu’Abiram. Il fut même le premier à diriger les terribles apprêts de la catastrophe ; et de tous les acteurs de cette sanglante tragédie il était celui qui montrait peut-être le plus d’empressement, comme s’il craignait que son beau-frère ne rétractât sa promesse et ne hâtât sa mort.

Un quartier de rocher, formant une espèce de langue étroite, s’avançait sous une des branches dépouillées du saule. Il était à bien des pieds au-dessus de la terre, et convenait parfaitement au projet dont Ismaël n’avait eu effectivement l’idée qu’en l’apercevant. Ce fut sur cette petite plate-forme que le coupable fut placé, les coudes liés derrière le dos, de manière à ce qu’il lui fût impossible de les retirer, tandis qu’une corde, passée autour de son cou, était attachée à la branche de l’arbre. La longueur en avait été calculée de sorte que le corps, une fois suspendu, ne pût trouver aucun point d’appui pour poser le pied. Les feuilles de la Bible furent placées entre ses mains, libre à lui de chercher, s’il le voulait, des consolations dans le livre saint.

— Et maintenant, Abiram White, dit le squatter, lorsque ses fils furent redescendus, et qu’il leur eut fait signe de partir avec le reste des chariots, je vous adresse une dernière et solennelle demande : la mort se présente à vous sous deux formes différentes ; ce fusil peut finir à l’instant vos misères, ou tôt ou tard cette corde vous donnera la mort.

— Oh ! laissez-moi vivre encore ? Vous ne savez pas, Ismaël, combien la vie paraît douce quand la dernière heure est si proche !

— Il suffit, dit Ismaël. Je vous quitte, malheureux, et pour que ce soit une consolation pour vous dans vos derniers moments, je vous pardonne le mal que vous m’avez fait, et je vous laisse entre les mains de votre Dieu.

Ismaël se détourna alors, et continua sa route à travers la plaine du pas lourd et pesant qui lui était habituel. Quoiqu’il marchât la tête un peu penchée vers la terre, il n’eut pas un seul instant la pensée de jeter un regard derrière lui. Une ou deux fois seulement il crut entendre prononcer son nom d’une voix qui était un