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faire une reconnaissance. Vous étiez loin de penser que, pendant que vous chassiez, quelqu’un était assez près de vous pour distinguer tous vos tours et détours ; et cependant j’étais là, couché tantôt derrière un buisson, tantôt dans une touffe d’herbes, et quelquefois descendant rapidement une colline pour me cacher dans un bas-fond et pour épier vos moindres mouvements, comme la panthère guette le daim qui se désaltère. Croyez-moi, squatter, lorsque j’étais un homme dans la force et l’orgueil de la jeunesse, j’ai regardé souvent, par la porte, dans l’intérieur de la tente de l’ennemi ; ils dormaient eux, et ils rêvaient peut-être qu’ils étaient dans leur village, tranquilles et en sûreté ! Je voudrais avoir le temps de vous conter les particularités.

— Venez-en donc à votre explication, dit l’impatient Middleton en l’interrompant.

— Ah ! ce fut un spectacle affreux et sanglant ! j’étais couché dans de hautes herbes, lorsque deux chasseurs se rencontrèrent. Leur accueil ne fut point cordial, ni tel que devrait l’être celui de deux hommes qui se retrouvent dans un désert ; cependant ils se séparèrent, et je pensais qu’ils s’étaient quittés en bonne intelligence, lorsque tout à coup l’un d’eux se retourna, fit feu dans le dos de l’autre, et commit ce que j’appelle un lâche et coupable meurtre. C’était une noble et courageuse créature que ce jeune homme ; quoique la poudre brûlât son habit, il supporta le choc pendant plus d’une minute sans tomber, et alors il se soutint encore sur ses genoux, et se traîna jusqu’au petit bois en se défendant en désespéré, comme un ours blessé qui cherche un abri.

— Et par la justice du ciel, pourquoi ne l’avoir pas dit plus tôt ? s’écria Middleton.

— Pourquoi ! Pensez-vous, capitaine, qu’un homme qui a passé plus de soixante ans dans le désert n’ait pas appris à pratiquer la vertu de la discrétion ? Quel est le guerrier rouge qui court raconter les signes qu’il a vus, avant que le temps convenable soit arrivé ? J’allai chercher le docteur et le menai sur les lieux, dans l’espoir que son savoir pourrait encore être de quelque secours à ce malheureux jeune homme, et notre ami le chasseur d’abeilles, qui était avec lui, vit aussi l’endroit où les broussailles cachaient le cadavre.

— Oui, cela est vrai, dit Paul ; mais ne connaissant pas les raisons particulières que pouvait avoir le vieux Trappeur de