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Le squatter semblait avoir de la répugnance à abandonner si facilement les projets qu’il avait formés sur Hélène, et avant de répondre aux insinuations de sa femme, il promena son regard apathique sur les figures de ses fils, qu’animait un peu la curiosité, comme s’il eût cherché parmi eux celui qui aurait pu prendre la place d’Asa. Paul ne le perdait pas de vue, et devinant plus facilement que de coutume les secrètes pensées d’Ismaël, il crut avoir trouvé le meilleur de tous les expédients pour sortir d’embarras.

— Il est clair et évident, dit-il, ami Bush, qu’il y a deux parties intéressés dans cette affaire, vous, pour vos fils, et moi, pour moi-même. Je ne vois qu’un moyen de terminer cette dispute à l’amiable, et le voici : choisissez un de vos fils, celui que vous voudrez, cela m’est égal, et laissez-nous aller à quelques milles dans la Prairie arranger cette affaire ensemble ; celui qui y restera ne mettra jamais le désordre dans la maison de qui que ce soit, et celui qui en reviendra sera libre de faire de son mieux pour s’attirer les bonnes grâces de la jeune fille.

— Paul ! s’écria Hélène d’un ton de reproche, quoique d’une voix étouffée.

— N’ayez pas peur, Nelly, lui dit tout bas le chasseur d’abeilles, dont l’esprit, allant toujours droit au fait, ne supposait pas que l’exclamation de son amante pût provenir d’une autre cause que des alarmes qu’elle se créait par rapport à lui ; j’ai pris leur mesure à tous, et vous pouvez avoir confiance dans un œil assez perçant pour suivre une abeille au vol jusque dans son trou.

— Je ne prétends contraindre les inclinations de personne, répondit le squatter. Si le cœur de cette enfant est vraiment dans les habitations, qu’elle me le dise, et elle n’éprouvera aucun obstacle de ma part. Parlez, Nelly, parlez franchement et sans crainte. Voulez-vous nous quitter pour suivre ce jeune homme dans les contrées habitées, ou voulez-vous rester avec nous, et partager le peu que nous avons à vous offrir, mais que nous vous offrirons de bon cœur ?

Ainsi appelée à décider elle-même de son sort, Hélène ne put hésiter plus longtemps. Son regard était d’abord timide et furtif ; mais le vif incarnat qui couvrait ses joues, et sa respiration agitée, prouvaient assez que l’énergie de son caractère allait enfin triompher de la timidité naturelle à son sexe.

— Vous m’avez recueillie lorsque j’étais orpheline, pauvre et