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— À Dieu ne plaise ! mais il y a des raisons pour lesquelles il ne doit pas être vu dans ce moment,… des raisons qui ne lui feraient aucun tort si elles étaient connues, mais qui ne peuvent être dites encore. Ainsi donc, mon père, si vous vouliez attendre de ces saules que j’aie entendu ce que Paul peut avoir à me dire, je ne manquerai pas d’aller vous dire adieu avant de retourner au camp.

Le Trappeur parut si se contenter des raisons un peu incohérentes qu’Hélène lui donnait pour rester seule, et il se retira lentement. Lorsqu’il fut hors de portée d’entendre la conversation vive et animée qui s’établit aussitôt entre les deux jeunes gens, le vieillard s’arrêta de nouveau, et attendit patiemment le moment où il pourrait se rapprocher d’eux ; car il s’intéressait de plus en plus à leur sort, soit par suite de la nature mystérieuse des relations qu’ils paraissaient avoir ensemble, soit par un sentiment de pitié pour deux êtres si jeunes, et, comme il se plaisait aussi à le croire dans la simplicité de son cœur, si dignes d’être heureux. Il était accompagné de son chien indolent, mais fidèle, qui avait fait de nouveau son lit aux pieds de son maître, et qui bientôt s’assoupit comme à son ordinaire, la tête presque enfoncée dans l’herbe de la Prairie.

C’était un spectacle si inusité de voir des formes humaines au milieu des solitudes dans lesquelles il demeurait, que le Trappeur resta les yeux attachés sur ses jeunes amis, que dans l’obscurité il distinguait à peine, éprouvant des sensations auxquelles il était étranger depuis longtemps. Leur présence éveillait des souvenirs et des émotions dont son cœur plus honnête que tendre ne se croyait plus susceptible, et ses pensées commencèrent à se promener vaguement sur les scènes diverses qu’une passée dans de pénibles travaux, mais qui avait eu aussi ses moments de jouissances sauvages, en harmonie avec les lieux où il avait vécu. Son imagination l’avait déjà entraîné dans un monde idéal, lorsqu’il se trouva encore une fois rappelé tout à coup à la vie réelle par les mouvements de son fidèle chien.

Hector, qui, abattu par l’âge et les infirmités, avait manifesté tant de penchant à dormir, se leva alors, et sortaant de l’ombre que projetait la taille élevée de son maître, il regarda au loin dans la Prairie, comme si son instinct lui apprenait encore l’arrivée de quelque nouvel hôte. Mais, paraissant content de son examen, il revint à sa place et s’étendit tout de son long avec un