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chef parut au milieu d’eux, tenant à la main la chevelure du Grand-Sioux, comme la bannière qui devait les conduire à la victoire.

Son retour excita des transports unanimes dans sa troupe, et ses compagnons s’élancèrent sur ses pas dans le couvert, avec une impétuosité qui, dans le premier moment, renversa tout ce qui se trouvait sur le passage. Mais le trophée sanglant que le jeune vainqueur portait en triomphe ranima le courage et la fureur des Sioux, en même temps qu’il entretenait l’enthousiasme des assaillants. Mahtoree avait laissé après lui plus d’un guerrier intrépide, et l’orateur qui, dans les débats du matin, avait ouvert un avis si pacifique, montrait alors le dévouement le plus héroïque pour venger la mémoire d’un homme qu’il n’avait jamais aimé, et arracher le trophée qui devait ternir à jamais sa gloire, des mains des ennemis implacables de son peuple.

La fortune se déclara en faveur du nombre. Après une lutte terrible, dans laquelle tous les chefs firent assaut d’intrépidité et de bravoure, les Pawnies furent obligés de se retirer en rase campagne, serrés de près par les Sioux, qui s’emparèrent aussitôt de chaque pouce de terrain que cédaient leurs ennemis. Si les Tetons avaient su se modérer, et qu’ils se fussent arrêtés à l’entrée du pâturage, il est possible que, malgré la perte irréparable qu’ils avaient faite dans la personne de Mahtoree, l’honneur de la journée eût été pour eux. Mais, dans l’ivresse de la victoire, ils commirent une imprudence qui changea tout à coup la face du combat, et qui leur fit perdre l’avantage qu’ils n’avaient acquis qu’avec tant de peine.

Un chef pawnie avait succombé aux nombreuses blessures qu’il avait reçues ; plus de douze flèches l’avaient atteint à la fois au moment où il tombait dans les derniers rangs de ses compagnons qui se retiraient. Aussitôt, sans songer à porter de nouveaux coups à leurs ennemis, sans s’inquiéter de ce qu’il y avait de téméraire dans leur action, les plus braves des Sioux s’élancèrent en poussant des cris de triomphe ; chacun brûlait du désir de se couvrir de gloire, en frappant le cadavre du mort. Ils furent reçus par Cœur-Dur et par une poignée de guerriers choisis, dont tous n’avaient pas moins d’intérêt et n’étaient pas moins décidés à sauver l’honneur de leur nation d’un affront aussi humiliant. Ce fut alors un combat corps à corps, et le sang commença à couler avec plus d’abondance. À mesure que les Pawnies se reti-