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moments où l’on aurait pu croire que les éclairs qui jaillissaient de ses yeux et l’élargissement de ses narines provenaient d’un sentiment plus noble et plus digne sous tous les rapports d’un chef indien.

Le Pawnie, immobile dans la partie de l’île où il s’était retiré, attendait son ennemi avec autant de calme que de dignité. Le Teton fit faire un ou deux cercles à son cheval pour modérer son impatience, et pour se remettre d’aplomb sur sa selle, après les efforts qu’il avait fallu faire pour traverser le courant. Ensuite il s’avança au milieu du banc de sable, et par un geste gracieux, il invite l’autre à venir le rejoindre. Cœur-Dur s’approcha aussitôt jusqu’à ce qu’il fût à une distance où il pouvait également avancer ou se retirer selon la tournure que prendrait la conférence. Il s’arrêta alors à son tour, tenant ses yeux fixés sur ceux de son ennemi.

C’était la première fois que ces deux illustres chefs se trouvaient ainsi en présence les armes à la main, et ils restèrent longtemps à se regarder, comme des guerriers qui savent apprécier le courage d’un brave ennemi, quelque odieux qu’il leur soit. Mais l’air de Mahtoree était moins austère et moins belliqueux que celui du chef des Loups. Jetant son bouclier sur son épaule, comme pour donner un nouvelle marque de confiance à son rival, il fit un geste pour le saluer et prit le premier la parole.

— Que les Pawnies montent sur les rochers, dit-il ; qu’ils regardent le soleil du matin et celui du soir, depuis le pays des neiges jusqu’à la contrée des fleurs, et ils verront que la terre est très vaste. Pourquoi les hommes rouges n’y peuvent-ils trouver place pour tous leurs villages ?

— Le Teton a-t-il jamais vu un guerrier Loup venir lui demander une place pour sa tente ? répondit le jeune brave d’un air d’orgueil et de dédain qu’il ne cherchait pas à cacher ; quand les Pawnies chassent, envoient-ils des coureurs demander à Mahtoree s’il n’y a point de Sioux sur la Prairie ?

— Lorsque la faim entre dans la tente d’un guerrier, il cherche le buffle qui lui est donné pour sa nourriture, repartit le Teton en s’efforçant d’étouffer le ressentiment que le ton dédaigneux de son rival allumait dans son âme. Le Wahcondah en a créé plus qu’il n’a créé d’Indiens. Il n’a pas dit : Ce buffle sera pour un Pawnie, et celui-là pour un Dahcotah ; ce castor sera pour un Konza, et celui-là pour un Omahaw. Non ; il a dit : Il y en a assez