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à son fils adoptif, comme si sa propostion n’admettait pas de refus.

— C’est bien, lui dit-il, voilà comme un brave doit parler, afin que les guerriers puissent voir son cœur. Il y a eu un temps où la voix du Balafré était celle qui se faisait entendre avec le plus de force au milieu des tentes des Konzas ; mais la racine des cheveux blancs est la sagesse. Mon enfant montrera aux Tetons qu’il est brave en frappant leurs ennemis. Guerriers Dahcotahs, voilà mon fils.

Le Pawnie hésita un instant ; puis, s’approchant du vieillard, il prit sa main sèche et ridée, et la posa respectueusement sur sa tête, comme pour lui témoigner l’étendue de sa reconnaissance ; alors, reculant d’un pas, il se redressa de toute sa hauteur, et, jetant sur la peuplade ennemie qui l’entourait un regard de dédain et de fierté, il dit à haute voix dans la langue des Sioux :

— Cœur-Dur s’est examiné au dedans comme au dehors ; il a pensé à tout ce qu’il a fait à la chasse comme à la guerre ; partout il est le même, il n’y a point de changement, il est en toutes choses un Pawnie. Il a frappé trop de Tetons pour pouvoir jamais manger dans leurs tentes. Ses flèches s’enfuiraient en arrière, la pointe de sa lance se retournerait du mauvais côté, leurs amis pleureraient à chaque cri de guerre qu’ils l’entendraient pousser, leurs ennemis riraient. Les Tetons connaissent-ils un Loup ? qu’ils le regardent de nouveau ; sa tête est peinte, son bras est de chair, mais son cœur est de roc. Quand les Tetons verront le soleil venir des Montagnes Rocheuses et se diriger vers la terre des Visages-Pâles, l’âme de Cœur-Dur s’adoucira, et son esprit deviendra Sioux ; jusque-là il vivra et mourra Pawnie.

Des cris de joie, dans lesquels l’admiration et la férocité se confondaient d’une manière horrible interrompirent le guerrier, et n’annoncèrent que trop clairement le sort qui lui était réservé. Le jeune captif attendit un moment que le tumulte fût apaise, et se tournant vers le Balafré, il continua d’un ton plus doux et plus affable, comme s’il trouvait convenable d’adoucir son refus de manière à ne pas blesser les sentiments d’un vieillard qui lui avait témoigné un intérêt si touchant.

— Que mon père, lui dit-il, s’appuie avec plus de force sur la Biche des Dahcotahs. Elle est faible à présent ; mais à mesure que sa tente se remplira d’enfants, elle sera plus forte. Voyez, ajouta-t-il en lui montrant à quelque distance le Trappeur attentif, Cœur-Dur a près de lui une tête grise pour lui montrer le