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Un profond et morne silence suivit cette courte interruption. Alors Mahtoree se leva, se disposant évidemment à parler ; il commença par prendre une attitude imposante, et il promena un regard ferme et sévère sur toute l’assemblée. L’expression de ses yeux variait cependant selon qu’ils se portaient sur les physionomies différentes de ses adhérents ou de ses adversaires. En regardant les premiers, son air était grave, mais n’avait rien de menaçant, tandis que les regards foudroyants qu’il lançait sur les autres semblaient leur annoncer tout le risque qu’ils couraient en osant braver le ressentiment d’un chef aussi puissant.

Néanmoins au milieu même de tant de hauteur et d’assurance, l’adresse et la sagacité du Teton ne l’abandonnèrent pas. Après avoir jeté en quelque sorte le gant à toute la tribu, son maintien devint plus affable et sa figure moins menaçante. Ce fut alors qu’au milieu de la stupeur générale il éleva sa voix sonore, habile à en varier les inflexions selon les images différentes qu’il employait tour à tour dans son éloquence sauvage et irrégulière.

— Qu’est-ce qu’un Sioux ? demanda le chef avec adresse en commençant. Il est le dominateur des Prairies, et le maître des animaux qu’elles contiennent. Les poissons de la rivière aux Eaux-Troubles le connaissent et viennent à sa voix ; il est un renard dans le conseil, un aigle pour la vue, un ours gris dans les combats. Un Dahcotah est un homme.

Après avoir attendu que le murmure d’approbation qui se fit entendre parmi les guerriers, à ce portrait flatteur de leur peuple, se fût apaisé, le Teton continua :

— Qu’est-ce qu’un Pawnie ? Un voleur qui ne dépouille que les femmes ; une Peau-Rouge qui n’est point brave ; un chasseur qui mendie sa venaison. Dans le conseil, c’est un écureuil qui ne peut rester en place ; c’est un élan dont les jambes sont longues. Un Pawnie est une femme.

Il s’arrêta de nouveau ; des acclamations de joie partirent de plusieurs bouches, et l’on demanda à grands cris que les paroles injurieuses fussent expliquées à celui qui, sans le savoir, était l’objet de ces railleries sanglantes. Le Trappeur regarda Mahtoree comme pour prendre ses ordres, et sur le geste qu’il en reçut, il reprit ses fonctions d’interprète. Cœur-Dur l’écouta gravement, et ensuite, comme s’il trouvait que le temps n’était pas encore venu pour lui de parler, il fixa de nouveau les yeux sur l’horizon.

Mahtoree épiait l’expression de sa figure avec un air qui indi-