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Lorsqu’il eut fini ce discours extraordinaire, le Teton attendit que son interprète le traduisît, de l’air d’un amant qui ne doute guère du succès. Le Trappeur n’en avait pas perdu un seul mot, et il se disposa à le rendre en anglais de manière à ce que l’idée principale fût encore plus embrouillée et plus confuse dans la traduction que dans l’original. Mais au moment où ses lèvres allaient s’entrouvrir, quoique avec une répugnance marquée, Hélène leva un doigt, et jetant un regard expressif sur sa compagne attentive, elle ne lui laissa pas le temps de commencer :

— Dispensez-vous de ce soin, s’écria-t-elle ; ce que dit un sauvage ne doit pas être répété devant une chrétienne.

Inez s’inclina d’un air de réserve ; et la rougeur sur le front, elle remercia le vieillard de ses bonnes intentions, et lui fit entendre qu’elles désiraient être seules.

— Mes filles n’ont pas besoin d’oreilles pour comprendre ce que dit un grand Dahcotah, reprit le Trappeur en s’adressant à Mahtoree ; le regard qu’il a jeté, et les gestes qu’il a faits, suffisent. Elles le comprennent ; elles désirent penser à ses paroles ; car les enfants de braves guerriers, comme le sont leurs pères, ne font jamais rien sans de profondes pensées.

Cette explication si flatteuse pour l’énergie de son éloquence, et d’un si heureux augure pour l’avenir, parut satisfaire entièrement le Teton. Il témoigna son assentiment par l’exclamation d’usage, et après avoir salué les deux amies avec la réserve, mais en même temps avec la dignité d’un chef, il se disposa à sortir de la tente d’un air de triomphe qu’il cherchait en vain à cacher.

Mais il y avait un témoin de la scène qui venait de se passer, un témoin qui, immobile à sa place, n’était observé de personne, mais dont le cœur n’en était pas moins cruellement déchiré. Chaque parole sortie des lèvres de l’époux dont elle attendait si vivement le retour avait été un coup de poignard pour l’infortunée Tachechana. C’étaient là les discours qu’il lui avait adressés lorsqu’il l’avait emmenée de la loge de son père, et c’était pour entendre de pareils récits des faits d’armes du plus grand guerrier, qu’elle avait fermé les oreilles aux tendres propos de tant de jeunes Sioux.

Au moment où le Teton se détournait, comme nous l’avons déjà dit, pour sortir de la tente, il trouva devant lui la femme délaissée à laquelle il ne songeait déjà plus. Elle était debout, dans