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l’expédition qui avait eu pour lui des résultats si importants. Comme le lecteur l’a déjà deviné, elle était devenue la prison d’Inez et d’Hélène. La jeune épouse de Middleton était assise sur une simple souche d’herhes odoriférantes couvertes de peaux. Déjà elle avait tant souffert, déjà, elle avait vu tant d’événements terribles et inattendus se passer sous ses yeux, depuis les courts instants de sa captivité, que le malheur semblait ne pouvoir plus porter de coups à sa triste victime, auxquels elle ne fût préparée. Le sang s’était retiré de ses joues. Ses yeux noirs et si vifs ordinairement portaient l’expression d’une profonde mélancolie ; il y avait quelque chose de si délicat, de si tremblante dans toute sa personne qu’on eût dit que sa vie ne tenait qu’à un souffle. Mais au milieu de ces indices de faiblesse, elle avait par moments un air si touchant de résignation, une douce mais sainte espérance se peignait avec tant de charmes sur sa figure, qu’il aurait été difficile de dire quel sentiment la jeune captive méritait le plus d’inspirer, celui de la pitié ou de l’admiration. Tous les préceptes du père Ignace étaient fidèlement gravés dans sa mémoire, et son imagination avait jusqu’à de saintes visions. Soutenue par la religion, la jeune et confiante Inez se soumettait à ce nouveau coup de la Providence avec la même douceur qu’elle se serait soumise à toute autre pénitence qui lui aurait été imposée pour ses péchés, quoique par moments elle eût de terribles combats à soutenir contre la nature.

Hélène s’était montrée beaucoup plus ferme, et toutes les passions l’avaient agitée successivement. Elle avait pleuré au point que ses yeux étaient rouges et enflés. Sa figure était animée ; on y voyait l’expression du dépit et du ressentiment, avec une légère teinte d’inquiétude pour l’avenir. Le malheur avait pu la frapper, mais non l’abattre, et tout indiquait que s’il venait un temps plus heureux où la constance du chasseur d’abeilles pût recevoir sa récompense, Paul trouverait dans sa compagne un caractère franc et décidé, en parfaite harmonie avec le sien.

Il nous reste encore un troisième portrait à tracer dans ce petit groupe de femmes, celui, d’une jeune Indienne, la plus heureusement douée des femmes du Teton, et jusque alors aussi celle qu’il avait préférée à toutes les autres. Les regards avides de son mari contemplaient délicieusement ses charmes jusqu’à l’instant où ils s’étaient ouverts si inopinément sur la beauté supérieure d’une femme des Visages-Pâles. Depuis ce cruel moment, les grâces,