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compagnons. Ses paroles autant que ses actions, son adresse autant que son courage, avaient contribué à établir son autorité. Ses cicatrices étaient aussi profondes et aussi nombreuses que celles du plus brave de ses guerriers ; ses membres étaient dans leur plus grande vigueur, son courage parvenu au plus haut point. Doué de cette rare combinaison de qualités morales et physiques, il n’était pas un seul chef dans toute l’assemblée qui n’eût coutume de baisser les yeux devant la foudre de son regard. Cet ascendant, qu’il devait à sa bravoure et à sa supériorité intellectuelle, et que le temps avait en quelque sorte rendu sacré, il savait l’exercer avec tant d’habileté, en déployant tour à tour la force et la raison, que, transporté dans un état de société où il aurait pu déployer toute son énergie, il est probable qu’il eût été tour à tour conquérant et despote.

À quelque distance de ce rassemblement, se tenait un groupe d’hommes d’une origine tout à fait différente. Plus grands et plus robustes dans tous leurs membres, ils conservaient les traces caractéristiques de leur origine saxonne et normande sous les teintes basanées que le soleil de l’Amérique avait imprimées à leurs figures. Il eût été intéressant pour un homme versé dans ces sortes de recherches, d’observer les différences qui existaient encore entre les descendants des Européens les plus occidentaux, et ceux des Asiatiques les plus reculés, à présent que les révolutions du monde ont rapproché les uns des autres, les mettant en quelque sorte en présence, et leur donnant une certaine conformité de goûts, d’habitudes et même de caractères.

Le groupe dont nous parlons se composait de la famille du squatter. Indolents, inactifs, comme ils l’étaient toujours lorsque quelque circonstance extraordinaire ne venait pas les tirer de leur engourdissement, ils étaient rassemblés devant les quatre à cinq tentes qu’ils devaient à l’hospitalité des Tetons, leurs alliés. Cette espèce de confédération inattendue était suffisamment prouvée par la présence des chevaux et des animaux domestiques qui paissaient tranquillement dans la vallée sous la surveillance attentive d’Hetty. Leurs chariots étaient rangés le long de leurs demeures, de manière à former une sorte de barricade irrégulière qui prouvait que leur sécurité n’était pas entière, quoique, d’un autre côté, soit indolence, soit politique, ils n’eussent pas manifesté plus ouvertement leur défiance.

C’était avec un singulier mélange de joie et de curiosité que