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est trop tard : il est trop tard à présent. Un écureuil laisserait les traces de ses pas sur cette enveloppe légère de la terre. Couchez-vous, couchez-vous tous. Il ne reste que bien peu de chances pour nous ; mais encore ne faut-il pas s’en priver volontairement.

Tous les fugitifs se couchèrent de nouveau, quoique leurs regards inquiets cherchassent à apercevoir les mouvements de leurs ennemis à travers la tige élevée des herbes. À la distance d’un demi-mille, on voyait les Tetons avancer en formant un grand cercle qui se resserrait graduellement, et qui devait évidemment aboutir à l’endroit même que le jeune Pawnie et ses compagnons avaient choisi pour refuge. Il n’était pas difficile d’expliquer la cause de cette manœuvre. La neige était tombée à temps pour leur donner l’assurance que ceux qu’ils poursuivaient étaient derrière eux ; et avec la persévérance infatigable de guerriers indiens, ils s’occupaient à cerner de tous côtés le lieu où ils devaient nécessairement être cachés.

Chaque minute ajoutait à la position critique des fugitifs. Paul et Middleton préparèrent bravement leurs armes ; et au moment où Mahtoree arriva à cinquante pas d’eux, les yeux fixés sur l’herbe à travers laquelle passait son cheval, ils l’ajustèrent en même temps et tirèrent la détente ; mais le coup ne partit point.

— C’est assez, dit le vieillard en se levant avec dignité ; j’ai retiré l’amorce, car une mort certaine était le prix de notre imprudence. Maintenant supportons notre sort comme il convient à des hommes de le faire. Les plaintes et les gémissements ne sont pas en faveur auprès des Indiens.

En le voyant paraître, les Sioux poussèrent un cri qui retentit au loin dans la plaine, et en un instant une ceinture de sauvages furent autour de lui. Mahtoree reçut ses prisonnier d’air calme ; un seul instant la joie brilla dans son regard ; avant qu’il eût le temps de la réprimer, et le cœur de Middleton se glaça en voyant ce regard se porter sur Inez, qui privée presque de sentiment, n’en était pas moins charmante.

Tous les yeux étaient tellement fixés sur les Visages-Pâles, tel était le plaisir que causait leur capture, que dans le premier moments personne ne remarqua le jeune Indien, qui se tenait debout à l’écart, dédaignant de regarder ses ennemis, et aussi immobile que si le froid l’eût surpris en quelque sorte glacé dans cette attitude de calme et de dignité ; mais au bout d’un certain temps cet objet secondaire attira enfin l’attention des Sioux. Ce