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en firent autant tout le long de l’espace resté libre entre les voitures et le petit bois auquel, pour employer les termes de guerre, le camp était appuyé, formant ainsi une sorte de chevaux de frise de trois côtés de la position. Toute la troupe, tant hommes que bêtes, se trouvait renfermée dans ces étroites limites, l’exception de ce que la tente pouvait contenir ; les animaux se trouvaient trop heureux de pouvoir reposer leurs membres fatigués, pour donner quelque embarras à leurs maîtres doués à peine de plus de raison. Deux des jeunes émigrants prirent leurs fusils, en renouvelèrent l’amorce ; examinèrent la pierre avec le plus grand soin, et allèrent se poster aux deux extrémités du camp, l’un à droite, l’autre à gauche, se tenant à couvert sous l’ombrage du bois, mais de manière cependant à pouvoir planer chacun sur la partie de la Prairie dont la surveillance lui était plus particulièrement confiée.

Le Trappeur, après avoir remercié l’émigrant qui lui offrait de partager sa paille, était resté dans l’enceinte à considérer ce qui se passait, et ce ne fut que lorsque tous les arrangements furent terminés, qu’il s’éloigna à pas lents en s’épargnant la cérémonie d’un adieu.

C’était alors la première veille de la nuit, et cette lueur pâle et tremblante que jette une nouvelle lune, se jouait sur les ondulations de la Prairie, dont elle éclairait légèrement le sommet, tandis que de grandes masses d’ombres en marquaient les intervalles. Accoutumé aux scènes de la solitude, le vieillard s’enfonça seul dans ces déserts sans bornes, comme le vaisseau hardi qui quitte le port pour se confier aux plaines infinies de l’océan. Il marcha quelque temps au hasard, sans savoir où ses jambes le portaient, et sans paraître s’en inquiéter. À la fin, arrivé sur le sommet de l’une de ces collines onduleuses, il s’arrêta, et pour la première fois, depuis qu’il avait quitté ceux qui avaient éveillé dans son âme tant de souvenirs et de si profondes réflexions, le vieillard revint au sentiment de son existence et de sa situation actuelle. Posant à terre la crosse de son fusil, il appuya ses deux mains sur le bout, et resta de nouveau abîmé dans ses méditations. Son chien était venu se coucher à ses pieds. Un hurlement prolongé et menaçant de ce fidèle animal fut le premier bruit qui le tira de sa rêverie.

— Qu’y a-t-il, mon vieux ? dit-il en se courbant vers son chien, comme s’il eût adressé la parole à un être doué d’une intelligence égale à la sienne, et du ton de voix le plus affectueux. Qu’est-ce,