Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Maintenant, que le Pawnie remplisse les fonctions de pilote, dit le Trappeur ; ma main n’est plus aussi ferme qu’autrefois, et il a des membres semblables au bois de fer. Abandonnez tout à la prudence du Pawnie.

L’époux et l’amant n’avaient rien de mieux à faire que de suivre ce conseil, et ils furent obligés de rester spectateurs passifs, quoique bien vivement intéressés, du passage d’une rivière effectué par de si faibles moyens. Parmi les trois chevaux, l’Indien choisit celui de Mahtoree, avec une promptitude qui prouvait qu’il était loin d’ignorer les qualités de cet animal ; et sautant sur son dos, il entra dans la rivière. Plongeant le bout de sa lance dans le cuir dont il avait fait une barque, il en dirigea ainsi la marche, et lâchant la bride à son coursier, il entra hardiment dans le courant. Middleton et Paul le suivaient sur les deux autres chevaux, se tenant aussi près du frêle esquif que la prudence le leur permettait. Le jeune guerrier conduisit ainsi son dépôt précieux sur la rive opposée, où Inez et Hélène débarquèrent en sureté, sans avoir éprouvé le plus léger accident, et la traversée se fit avec un calme et une célerité qui annonçaient qu’elle n’avait rien d’extraordinaire ni pour le cheval ni pour le cavalier.

Dès qu’il fut sur le rivage, le jeune Indien défit son ouvrage, jeta la peau de buffle sur son épaule, mit les bâtons sous son bras, et, remontant à cheval, rentra dans la rivière pour aller chercher les deux individus qui étaient restés sur l’autre bord, et les amener sur la rive qui était regardée avec raison comme le côté le plus sûr.

— Maintenant, ami docteur, dit le vieillard, quand il vit l’Indien entrer dans la rivière, je reconnais qu’il y a de la bonne foi sous cette peau rouge. C’est un jeune homme de bonne mine, sans doute, et qui a l’air honnête ; mais les vents du ciel ne sont pas plus trompeurs que les sauvages, quand le diable s’en est une fois mis en possession. Si ce Pawnie eût été un Teton, ou un de ces coquins de Mingos qui rôdaient dans les bois d’York il y a quelque soixante ans, nous aurions vu son dos et son visage se tourner de notre côté. Je n’étais pas sans quelque inquiétude, quand je l’ai vu choisir le meilleur cheval ; car, avec cette monture, il lui aurait été aussi facile de s’éloigner de nous, qu’il le serait à un léger pigeon de se séparer d’une troupe de corbeaux croassant, soutenus sur leurs ailes pesantes. Mais vous voyez qu’il y a de la franchise dans ce jeune homme. Faites-vous une