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lieu. Le vieillard semblait mécontent, il murmurait tout bas ; mais du reste il ne manifestait son inquiétude qu’en faisant presser le pas à ses compagnons. Il avait montré du doigt, en passant, l’emplacement désert où la famille du squatter avait campé le soir même où nous l’avons présentée à nos lecteurs ; mais ensuite il garda un silence que ses amis ne pouvaient s’empêcher de regarder comme de mauvais augure, car ils connaissaient alors assez son caractère pour savoir qu’il fallait que les circonstances fussent en effet critiques pour troubler la tranquillité d’âme ordinaire du vieillard.

— N’en avons-nous pas fait assez ? demanda Middleton au bout de quelques heures, craignant qu’Inez et Hélène ne pussent résister à tant de fatigues ; voilà longtemps que nous courons à bride abattue, et nous avons traversé une grande étendue de plaine : il est temps de chercher un lieu de repos.

— Cherchez-le donc dans le ciel, si vous êtes incapables de marcher plus longtemps, murmura le Trappeur. Si les Tetons et le squatter en étaient venus aux mains, ce qui, dans l’ordre des choses, aurait dû arriver, alors on aurait pu prendre le temps de regarder autour de soi, et de calculer non seulement les dangers, mais aussi les inconvénients du voyage ; mais au point où nous en sommes, je déclare que ce serait s’exposer à une mort certaine ou à une éternelle captivité que de fermer les yeux et de se livrer au repos avant que nos têtes soient à l’abri dans quelque retraite bien sûre.

— Je n’en sais rien, reprit le jeune homme impatient, sur lequel les sages réflexions du vieillard faisaient moins d’impression que la vue des souffrances de l’être fragile qu’il soutenait ; — je n’en sais, ma foi ! rien. Nous avons fait je ne sais combien de milles, et je ne vois aucune apparence de danger prochain. Si vous craignez pour vous, mon bon ami, croyez-moi, vous avez tort, car…

— Votre grand-père, s’il vivait encore et qu’il fût ici, dit le vieillard en l’interrompant, et en posant sa main avec force sur le bras de Middleton, votre grand-père n’aurait pas prononcé ces paroles. Il avait quelque raison de croire qu’au printemps de mes jours, lorsque mon regard était plus rapide que celui du faucon, et mes jambes plus agiles que celles du daim, je ne tenais pas extrêmement à la vie ; pourquoi donc aurais-je à présent un attachement puéril pour une chose dont je connais toute la vanité, et