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eu le temps de se ranger autour de la base du rocher, avec leur réserve et leurs précautions accoutumées, que la voix d’Esther retentit au milieu du silence général.

— Qui est en bas ? s’écria-t-elle intrépidement. Répondez sur votre vie. — Sioux ou diables, je ne vous crains pas !

Personne ne répondit ; chaque guerrier s’arrêtant à la place où il se trouvait, persuadé que son corps basané se confondait avec les ombres de la Prairie. Ce fut dans ce moment que le Trappeur résolut de s’évader. Il avait été laissé, avec le reste de ses amis, sous la surveillance de ceux qui étaient chargés de garder les chevaux, et comme ils étaient tous restés en selle, le moment semblait favorable pour son projet : leurs gardiens avaient les yeux fixés sur le rocher, et un nuage épais étant venu à passer dans ce moment au-dessus de leurs têtes, obscurcit le peu de clarté que donnaient les astres. Se penchant sur le cou de son cheval, le vieillard murmura entre ses dents :

— Où est mon chien ? où est-il, Hector ? Où est mon chien ?

Le chien entendit la voix bien connue de son maître, et répondit par un gémissement d’amitié, qui de degré en degré menaçait de devenir un de ses aboiements perçants. Le Trappeur allait se relever, s’applaudissant déjà du succès de sa ruse, lorsqu’il sentit la main de Wencha le saisir à la gorge, comme s’il était déterminé à étouffer sa voix par le procédé aussi simple que décisif de la strangulation. Profitant de cette circonstance, le Trappeur poussa de nouveau un son très-bas, comme s’il faisait naturellement un effort pour respirer, et un second cri du fidèle Hector se fit entendre à l’instant. Aussitôt Wencha lâcha le maître pour tourner sa vengeance sur le chien ; mais la voix d’Esther se fit entendre alors, et tout autre projet fut suspendu pour écouter.

— Oui, hurlez tant que vous voudrez, scélérats, monstres de ténèbres, s’écria-t-elle avec un affreux éclat de rire ; allez, je vous connais ; attendez ! attendez ! et vous aurez de la lumière pour vos brigandages. Mettez le feu, Phœbé, mettez le feu ; votre père et ses garçons verront qu’ils ont besoin de revenir chez eux pour recevoir leurs hôtes.

Au moment même où elle parlait, une lumière éclatante, telle que celle d’un astre brillant, parut tout à coup sur la cime du rocher ; la flamme se précipita ensuite en serpentant au milieu d’un énorme tas de broussailles, puis s’élançant en mille gerbes vers les cieux, et suivant l’impulsion de l’air, elle répandit une