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anglais du gosier de vingt Tetons. Cette illusion donna une impulsion nouvelle à son ardeur, et aucun maître de danse faisant un entrechat n’avait jamais montré plus de dextérité que le docteur en usant ses talons sur les côtes du pauvre asinus. Ce contact violent et répété continua plusieurs minutes sans interruption, et selon toutes les apparences il durerait encore, si le caractère paisible d’asinus n’avait pas été injustement poussé à bout. Empruntant sa vengeance la manière même dont son maître lui témoignait son impatience, il leva simultanément ses quatre pieds, mesure qui décida à l’instant la victoire en sa faveur, tandis qu’il faisait retentir l’air d’une certaine fanfare qui exprimait à la fois son indignation et son triomphe. Obed fut forcé un peu brusquement de prendre congé de sa selle, mais il n’en continua pas moins à fuir dans la même direction, tandis qu’asinus, comme un conquérant qui prend possession du champ de bataille, commença à brouter l’herbe desséchée, comme le fruit de sa victoire.

Dès que le docteur se fut remis sur ses jambes, et qu’il eut repris ses esprits un peu troublés par la manière brusque dont il avait quitté sa selle, sa première pensée avait été de chercher son sac et son âne. Asinus montra assez de magnanimité pour rendre l’entrevue amicale, et le naturaliste continua sa route avec un zèle très-louable, mais d’un pas un peu plus modéré.

Pendant ce temps, le vieux Trappeur n’avait pas perdu de vue les mouvements importants qu’il avait entrepris de diriger. Obed ne s’était pas trompé en supposant qu’on s’était aperçu de son absence, et qu’on le cherchait, quoique son imagination eût pris quelques cris sauvages pour les sons bien connus qui composaient son propre nom latinisé. Voici simplement ce qui s’était passé. Les guerriers de l’arrière-garde n’avaient pas manqué de faire connaître à ceux qui étaient en tête le caractère mystérieux dont il avait plu au Trappeur d’investir l’innocent naturaliste. Le même sentiment d’admiration sauvage mêlé de terreur qui les avait portés à se rapprocher de leurs compagnons, engagea ceux-ci à vouloir juger par eux-mêmes de l’homme extraordinaire dont on leur parlait, et ils coururent à la place où Wencha venait de laisser le docteur ; mais il n’y était plus, et leur sauvage désappointement s’exprima par des rugissements farouches qui parvinrent jusqu’aux oreilles d’Obed.

Mais l’autorité de Mahtoree vint bientôt aider l’adresse du Trappeur à calmer cette effervescence. Lorsque l’ordre fut réta-