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parmi eux. L’adroit Trappeur avait réussi à rendre extrêmement douteux s’il arrivait de quelque partie découverte de la Prairie, ou s’il sortait du bois voisin, vers lequel cependant les Indiens continuaient à jeter de temps en temps des regards de soupçon. Ils s’étaient arrêtés à environ un trait de flèche du bois ; mais quand l’étranger fut assez près pour qu’ils pussent remarquer que les teintes rouges et brunes dont les intempéries du temps avaient couvert son visage déguisaient la couleur originaire d’une peau blanche, ils reculèrent à pas lents jusqu’à’ce qu’ils se trouvassent à une distance où ils fussent à portée des armes à feu.

Cependant le vieillard continua à avancer jusqu’à ce qu’il fût assez près pour pouvoir se faire entendre. Alors il s’arrêta, et appuyant sur la terre la crosse de son fusil, il leva la main en en montrant la paume en signe de paix. Après avoir adressé quelques mots de reproches à son chien qui regardait ce groupe de sauvages avec des yeux qui semblaient les reconnaître pour avoir autrefois saisi la personne de son maître, il leur adressa la parole en leur propre langue.

— Mes frères sont les bien-venus, dit-il, s’érigeant avec adresse en maître du canton où ils se rencontraient, et feignant de vouloir remplir les devoirs de l’hospitalité ; ils sont bien loin de leur village ; ils ont faim ; veulent-ils venir dans ma loge pour manger et dormir ?

Dès qu’on eut entendu sa voix, le cri de plaisir qui partit d’une douzaine de bouches convainquit l’intelligent vieillard qu’il était aussi reconnu. Sentant qu’il était trop tard pour songer à la retraite, il profita de la confusion qui régnait parmi eux ; pendant que Wencha expliquait qui il était, pour continuer à avancer, et il se trouva enfin face à face avec le redoutable Mathoree. Cette seconde entrevue entre ces deux hommes, dont chacun était extraordinaire à sa manière, fut accompagnée de toutes les précautions en usage sur les frontières. Ils restèrent près d’une minute à se regarder l’un l’autre sans parler.

— Où sont vos jeunes guerriers ? demanda enfin d’un ton austère le chef teton, en voyant qu’il cherchait inutilement il l’intimider par ses regards, et que les traits impassibles du Trappeur refusaient de trahir aucun des secrets de leur maître.

— Les Longs-Couteaux ne viennent pas en troupe pour tendre des trappes aux castors. Je suis seul.

— votre tête est blanche, mais vous avez une langue fourchue.