Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec une curiosité indolente ; mais dès qu’ils virent ce tronc énorme étendu à leurs pieds, comme si c’eût été le signal d’une attaque générale, ils s’avancèrent tous ensemble, se mirent à l’ouvrage, et avec une précision qui eût étonné un spectateur ignorant, ils dépouillèrent le petit emplacement qui leur convenait des arbres touffus qui l’encombraient, et cela, aussi complètement et presque aussi promptement que si un tourbillon furieux eût balayé la place en apparence.

L’habitant des Prairies les regardait en silence, mais avec attention. À mesure que ces arbres venaient frapper la terre, il levait les yeux, jetait un regard douloureux sur la place qu’ils laissaient vacante dans les airs, puis un sourire amer se peignait sur sa figure, et il se détournait en murmurant tout bas je ne sais quelles plaintes, comme s’il dédaignait d’élever la voix pour les exprimer. Mais bientôt, passant à travers le groupe des jeunes gens actifs et empressés qui avaient déjà allumé un grand feu, le vieillard se mit à observer les mouvements du chef des émigrants et de son compagnon à l’air farouche et sauvage.

Ils avaient déjà dételé les chevaux, qui dévoraient avidement les feuilles des arbres abattus, et ils étaient alors occupés autour du chariot qui était couvert avec tant de soin. Poussant chacun une roue de leurs fortes épaules, ils le roulèrent à l’écart sur un tertre peu élevé, près du bord du petit bois. Ils prirent ensuite de grandes perches qui semblaient servir depuis longtemps à cet usage, et, enfonçant le plus gros bout dans la terre, ils attachèrent l’autre aux cerceaux qui soutenaient la toile qui couvrait la voiture. Une autre toile, d’une dimension beaucoup plus grande, fut tirée du chariot, tendue par-dessus, et attachée à terre avec des chevilles, de manière à former une tente vaste et commode. Après avoir regardé leur ouvrage d’un air d’intérêt et de satisfaction, tantôt arrangeant un pli, tantôt enfonçant une cheville avec plus de force, ils se réunirent de nouveau pour pousser le chariot par le timon hors de la tente, jusqu’à ce qu’il parût en plein air, dépouillé de l’enveloppe qui le couvrait, et ne contenant plus que quelques effets ou ustensiles insignifiants. Le chef des émigrants les prit aussitôt et les porta de ses propres mains dans la tente, comme si y entrer était un privilège auquel même son compagnon intime n’avait pas droit.

La curiosité est un sentiment que l’isolement, bien loin de l’affaiblir, semble au contraire augmenter encore. Le vieil habitant