Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agitent leurs ailes. Du centre de ces masses s’élevaient des nuages de poussière en petits tourbillons, lorsque quelque animal, plus furieux que les autres, labourait la terre avec ses cornes ; et de temps en temps le vent apportait le bruit sourd et rauque, produit par le mugissement prolongé de plusieurs centaines de ces animaux.

Un long silence régna dans le petit groupe pendant que chacun de ceux qui le composaient contemplait ce spectacle d’une grandeur sauvage et imposante. Il fut enfin rompu par le Trappeur, qui, étant habitué depuis longtemps à voir ces nombreuses migrations, en était moins frappé que ses compagnons, ou du moins était moins ému et moins absorbé que ceux pour qui cette vue était toute nouvelle.

— Voilà dix mille buffles qui marchent en un seul troupeau, dit-il, sans maître, sans gardien, si ce n’est celui qui les a créés, et qui leur a donné ces plaines découvertes pour leur pâture ! Oui ! c’est ici que l’homme peut voir la preuve de sa folie et de son extravagance. Le plus fier gouverneur de tous les États peut-il aller dans ses champs et faire tuer un plus noble bœuf que ceux qui sont offerts ici au dernier des hommes ? Et quand on lui sert son filet et son aloyau, peut-il le manger d’aussi bon appétit que celui dont la nourriture a reçu l’assaisonnement d’un travail salutaire, et qui l’a gagnée conformément à la loi de la nature, en se rendant maître de ce que le Seigneur lui présente ?

— Si le plat qu’on me sert dans la Prairie contient une bosse de buffle, je réponds non ! s’écria le joyeux chasseur d’abeilles.

— Sans doute, sans doute, reprit le vieillard ; vous en avez goûté, et vous sentez la justesse de mon raisonnement. — Mais le troupeau se dirige un peu trop de ce côté, et il est à propos de nous préparer à recevoir cette visite. Si nous nous cachous tous, ces brutes à cornes entreront dans le bois, et nous écraseront sous leurs pieds comme si nous étions des verres de terre ; ainsi mettons d’abord les femmes en sûreté, et prenons ensuite notre poste à l’avant-garde, comme il convient à des hommes et à des chasseurs.

Comme il n’y avait que fort peu de temps pour faire les arrangements nécessaires, ou s’en occupa sans délai et très-sérieusement. Inez et Hélène furent placées sur la lisière du bois du côté le plus éloigné du troupeau qui s’avançait. L’âne fut placé au centre par considération pour ses nerfs, et alors le Trappeur et