Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couleurs brillantes, la représentation de quelque exploit guerrier. Il semblait porter cette espèce de manteau négligemment et comme un objet de luxe plutôt que de nécessité. Ses jambes étaient couvertes de drap écarlate, seul indice qui annonçât qu’il eût eu quelque communication avec les marchands européens. Mais en revanche, et comme pour opposer les ornements du sauvage à ceux de l’habitant des villes, elles étaient entourées depuis le genou jusqu’au bas du mocassin d’horribles trophées, — de chevelures humaines. Il avait une main légèrement appuyée sur un petit arc, tandis que l’autre touchait seulement une longue et mince lance de bois de frêne, plutôt qu’elle n’y cherchait un soutien. Un carquois de peau de couguar[1], dont la queue avait été conservée par forme d’ornement caractéristique, était attaché sur ses épaules, et un bouclier de cuir, sur lequel un autre de ses exploits était bizarrement représenté, était attaché à son cou par une corde faite de nerfs.

Pendant que le Trappeur avançait, ce guerrier resta la tête droite et dans une attitude de tranquillité parfaite, ne laissant apercevoir ni empressement de reconnaître le caractère de ceux qui s’approchaient de lui, ni le moindre désir de se dérober lui-même à leur examen. Cependant, ses yeux plus noirs et plus brillants que ceux du cerf se portaient sans cesse de l’un à l’autre étranger, et ne semblaient pas connaître un instant de repos.

— Mon frère est-il bien loin de son village ? demanda le vieillard en se servant de la langue des Pawnies, après avoir examiné la manière dont son corps était peint, et les autres signes auxquels un homme exercé reconnaît la tribu du guerrier qu’il rencontre dans les déserts de l’Amérique, par la même sorte d’observation mystérieuse qui fait reconnaître au marin le pavillon d’un navire vu dans l’éloignement.

— Il y a plus loin pour aller aux villes des Grands-Couteaux, répondit l’Indien laconiquement.

— Pourquoi un Pawnie-Loup est-il si loin de la fourche de sa rivière, sans avoir son cheval, et se trouve-t-il dans un lien désert comme celui-ci ?

— Les femmes et les enfants d’un visage pâle peuvent-ils vivre sans la chair du bison ? La faim était dans ma hutte.

— Mon frère est bien jeune pour être déjà maître d’une hutte,

  1. Le couguar est une espèce de chat-pard de l’Amérique méridinale.