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dites-moi ce que c’est que la vie et ce que c’est que la mort ; pourquoi l’aigle vit si longtemps, et pourquoi le temps accordé au papillon est si court ? Dites-moi une chose plus simple : pourquoi ce chien montre-t-il de l’inquiétude, tandis que vous, qui passez vos journées enfoncé dans vos livres, vous ne voyez aucune raison pour être inquiet.

Le docteur, qui avait été un peu surpris du ton d’énergie et de dignité du vieillard, reprit longuement son haleine, comme un lutteur dont le gosier n’est plus serré par la main de son antagoniste, et saisit l’occasion d’une pause pour répliquer.

— C’est par suite de son instinct.

— Et qu’est-ce que l’instinct ?

— Un degré inférieur de raison, une combinaison mystérieuse de la matière et de la pensée.

— Et qu’est-ce que vous appelez la pensée ?

— Vénérable Trappeur, cette manière d’argumenter rend inutile l’usage des définitions, et je puis vous assurer qu’elle n’est pas admise dans les écoles.

— En ce cas, il y a dans vos écoles plus d’astuce que je ne le croyais, car c’est une manière certaine de leur prouver la vanité de leurs disputes, répondit le Trappeur. Abandonnant tout à coup une discussion dont le naturaliste commençait avec raison à se promettre beaucoup de plaisir, et se tournant vers son chien, dont il chercha à réprimer les mouvements inquiets en lui caressant les oreilles : — Comment ! lui dit-il, on ne vous prendrait jamais pour un chien sensé ! On vous croirait un chien mal dressé qui n’a reçu d’autre éducation que de suivre les autres, comme un enfant dans les habitations marche sur les traces de ses maîtres, qu’ils aillent bien ou mal. Montrez l’expérience que vous avez acquise. — Eh bien ! l’ami, vous qui pouvez faire tant de choses, êtes-vous en état d’entrer dans ce bois, ou faut-il que j’y aille moi-même ?

Le docteur reprit son air de résolution, et s’avança vers le bois sans répondre un seul mot. Les chiens, grâce aux soins du vieillard, se bornaient à gronder tout bas de temps en temps. Cependant, quand il vit le naturaliste se mettre en marche, le plus jeune, abjurant toute contrainte, décrivit trois ou quatre cercles autour de lui en aboyant de toutes ses forces et en baissant le nez vers la terre, après quoi il vint rejoindre son compagnon.

— Le squatter et sa nichée ont laissé une forte piste sur la terre,