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ainsi ne paraît pas devoir craindre aucun enfant vivant du coquin d’Ismaël. Mais quant à aller chercher les os des morts, ce n’est ni mon métier ni mon inclination ; ainsi, en vous remerciant de la préférence, comme le dit celui qu’on nomme caporal de milice dans le Kentucky, je vous déclare que je ne me charge pas de ce service.

Le vieillard se tourna, d’un air déconcerté vers Middleton ; mais celui-ci était trop occupé à encourager Inez pour remarquer l’embarras du Trappeur. Il en fut pourtant tiré tout à coup par quelqu’un de qui, d’après des circonstances précédentes, on ne devait pas attendre des démonstrations de courage.

Pendant toute la retraite, le docteur Battius s’était fait remarquer par le soin tout particulier qu’il avait pris de ne s’occuper que de ce grand objet. Son désir de s’éloigner d’Ismaël avait été si ardent qu’il l’avait décidément emporté sur tous ses penchants ordinaires. Le docteur appartenait à cette classe de savants qui sont de fort mauvais compagnons de voyage pour un homme qui est pressé d’arriver. Pas une pierre, pas une plante, pas un insecte, ne pouvaient échapper à l’examen de ses yeux vigilants, et la pluie et le tonnerre n’avaient pas le pouvoir d’interrompre cette occupation agréable. Mais le disciple de Linnée n’y avait pas songé un instant pendant les deux heures qui venaient de s’écouler ; son esprit avait été exclusivement occupé à débattre la question importante de savoir si les robustes descendants d’Ismaël ne s’arrogeraient pas le droit de lui contester celui de traverser librement la Prairie. Le chien de meilleure race et le mieux dressé, ayant en vue le gibier, n’aurait pu en suivre la piste avec plus d’ardeur que le docteur n’avait décrit une courbe en suivant les pas du Trappeur.

Il fut peut-être heureux pour son courage qu’il ignorât que le vieillard les faisait marcher en cercle autour de la citadelle d’Ismaël ; car il était dans la douce persuasion que chaque pas qu’il faisait dans la Prairie l’éloignait d’autant de ce rocher dangereux. Malgré la secousse peu agréable qu’il reçut en découvrant son erreur, ce fut lui qui s’offrit hardiment pour entrer dans le bois où il y avait quelque raison de croire que le corps d’Asa assassiné se trouvait encore. Peut-être le naturaliste fut-il porté à se mettre en avant dans cette occasion par une crainte secrète qu’on n’interprétât défavorablement l’empressement qu’il avait montré à battre en retraite ; d’ailleurs, il est certain que, quelque appréhension