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— Non, sans doute, Inez, non ; vous avez raison. Je n’entends rien à ces subtilités de conscience, je suis tout autre chose qu’un prêtre. Mais dites-moi ce qui a pu engager ces monstres à tenter une entreprise si désespérée, à se jouer ainsi de mon bonheur ?

— Vous connaissez mon ignorance du monde ; vous savez combien je suis peu en état de rendre compte des motifs de la conduite d’êtres si différents de tous ceux que j’ai vus jusqu’ici. Mais la soif de l’argent ne porte-t-elle pas les hommes à des actions plus criminelles encore ? Je m’imagine qu’ils ont pensé qu’un vieux père riche se déciderait aisément à payer une forte rançon pour sa fille ; et peut-être, ajouta-t-elle en levant sur Middleton des yeux humides qui semblaient l’interroger, peut-être ont-ils aussi compté pour quelque chose sur l’affection d’un jeune époux.

— Ils auraient tiré de moi tout le sang de mon cœur goutte à goutte ! s’écria Middleton.

— Oui, continua la jeune et timide épouse en baissant les yeux qu’elle avait levés à la dérobée, et en reprenant à la hâte le fil de son discours, comme si elle eût voulu lui faire oublier la liberté qu’elle venait de prendre, on m’a dit qu’il existe des hommes assez vils pour commettre un parjure en face de l’autel afin de s’emparer de la fortune de jeunes filles ignorantes et confiantes ; et si l’amour de l’argent peut conduire à une pareille bassesse, on peut croire qu’il portera ceux qui en sont dévorés à des actes d’injustice qui sont peut-être moins criminels.

— Tels ont sans doute été leurs motifs ; et maintenant, Inez, quoique je sois ici pour vous défendre au péril de ma vie, et que nous nous trouvions en possession de ce rocher, nos embarras, peut-être nos dangers, ne sont pas encore terminés. — Il faut vous armer de tout votre courage, mon Inez ; et supporter cette épreuve en montrant que vous êtes la femme d’un soldat.

— Je suis prête à partir à l’instant même. La lettre que vous m’avez envoyée par le médecin m’avait donné de grandes espérances, et je me suis disposée à pouvoir fuir au premier signal.

— Partons donc sur-le-champ, et allons rejoindre nos amis.

— Nos amis ! s’écria Inez en jetant les yeux autour de la petite tente pour y chercher Hélène ; j’ai moi-même ici une amie qui doit passer avec nous le reste de ses jours. Où donc est-elle ?

Middleton lui prit doucement le bras pour la conduire hors de la tente, et lui répondit en souriant :