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— Dans une heure ! répondit Inez en lui envoyant un baiser avec la main ; et rougissant comme si elle eût été honteuse de s’être permis cette liberté, elle sortit du cabinet de verdure en courant, prit le chemin de le chaumière de sa nourrice, et Middleton l’y vit entrer quelques instants après.

Il retourna chez son beau-père à pas lents et d’un air pensif, jetant souvent un regard en arrière du côté où il avait vu sa femme, comme s’il se fût imaginé pourvoir encore apercevoir sa forme légère, qui semblait voler au milieu du crépuscule du soir. Don Augustin le reçut avec affection, et passa quelque temps à lui détailler les plans qu’il avait formés pour l’avenir. Le vieil Espagnol écouta ensuite le récit brillant, mais non exagéré, que lui fit son gendre de la prospérité croissantes des États-Unis, dans le voisinage desquels il avait passé toute sa vie sans les connaître ; et en l’écoutant il manifesta tantôt la surprise et tantôt cette sorte d’incrédulité qu’on éprouve lorsqu’on doute de l’impartialité du narrateur et qu’on le soupçonne de vouloir orner ses tableaux de couleurs trop flatteuses.

L’heure qu’Inez avait demandée se passa ainsi beaucoup plus vite que son mari ne l’aurait cru possible en son absence. Enfin ses regards commencèrent à consulter la pendule ; à compter les minutes à mesure qu’elles s’écoulaient, et Inez ne paraissait pas. La grande aiguille avait déjà fait la moitié d’une autre révolution autour du cadran, lorsque enfin il se leva et annonça qu’il allait la chercher lui-même, afin qu’elle ne revînt pas seule à une pareille heure.

La nuit était alors obscure, et le ciel était chargé de ces vapeurs menaçantes qui, dans ce climat, annoncent infailliblement un ouragan. L’aspect du firmament autant que ses inquiétudes secrètes lui firent doubler le pas, et il courut rapidement vers la chaumière d’Inésilla. Vingt fois il s’arrêta, croyant entrevoir à quelque distance la forme légère d’Inez retournant chez son père, et autant de fois trompé dans son attente, il se remit en marche. Enfin il arriva à la chaumière, frappa à la porte, l’ouvrit, entra, vit la vieille nourrice, et ne trouva point avec elle celle qu’il cherchait. Inez était partie ; il fallait donc qu’elle eût passé près de lui dans l’obscurité, sans qu’ils se fussent aperçus. Il retourna sur-le-champ chez don Augustin ; un coup terrible l’y attendait : Inez n’y était pas arrivée. Le cœur palpitant, et sans communiquer son dessein à personne, il courut au cabinet de verdure dans lequel il