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bat sans autres armes que le bon sens ; mais cette arme lui suffisait toujours pour repousser les attaques du père, à peu près comme le vigoureux champion qui sait manier le bâton à deux bouts déjoue celles du plus savant maître d’escrime, répondant à ses passes par des arguments irrésistibles qui brisent sa rapière et lui fendent quelquefois le crâne.

Avant que la controverse fut terminée, un renfort de protestants fit une diversion en faveur du militaire. La licence un peu trop forte de ceux d’entre eux qui ne pensaient qu’à cette vie, et la piété raisonnable et modérée des autres, obligèrent le digne prêtre à jeter les yeux autour de lui avec inquiétude. L’influence de l’exemple d’une part, et la contamination résultant de relations trop fréquentes de l’autre, commencèrent à se faire sentir, même dans cette portion de son troupeau qu’il avait regardée comme trop bien renfermée dans le bercail du gouvernement spirituel pour pouvoir jamais s’égarer. Ce n’était plus le moment de songer à prendre l’offensive, il fallait s’occuper du soin de disposer ses ouailles à résister au débordement effréné des opinions qui menaçaient de renverser les barrières de leur foi. Comme un sage général qui reconnaît qu’il a occupé plus de terrain que ses forces ne peuvent en garder, il commença à rapprocher ses avant-postes. Les reliques furent cachées aux yeux profanes ; les fidèles furent avertis de ne point parler de miracles devant une race qui non seulement en niait l’existence, mais qui avait même l’audace d’en demander les preuves ; la lecture de la Bible fut encore une fois interdite, avec de terribles menaces, d’après la raison triomphante qu’elle était susceptible d’être mal interprétée[1].

Cependant il devint nécessaire d’apprendre à don Augustin les effets que ses arguments et ses prières avaient produits sur l’esprit hérétique du jeune officier. Personne n’aime à faire l’aveu de sa faiblesse au moment où les circonstances exigent qu’on déploie toutes ses forces. Par une espèce de pieuse fraude, dont le bon père trouvait sans doute l’excuse dans la pureté de ses motifs, il déclara que, quoiqu’un changement positif ne se fût pas encore évidemment manifesté dans les opinions de Middleton, cependant il avait tout lieu d’espérer que le coin de ses arguments était entré

  1. L’auteur est protestant, ce qui n’excuse pas mais ce qui explique ses attaques réitérées contre la religion catholique. Il y a, du reste, en Amérique tant de tolérance sur le chapitre des opinions religieuses, cette tolérance est tellement dans les mœurs et dans les lois, que la discussion y est inoffensive : il n’en est pas de même en Angleterre.