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Middleton fut un des premiers, parmi les nouveaux possesseurs du sol, dont le cœur fut séduit par les charmes d’une belle de la Louisiane. Dans le voisinage immédiat du poste qu’il avait été chargé d’occuper, demeurait le chef d’une de ces anciennes familles coloniales qui s’étaient contentées de sommeiller de père en fils au milieu de l’aisance, de l’indolence et de la richesse des provinces espagnoles. C’était un officier au service de la couronne d’Espagne, qu’une riche succession qu’il avait recueillie avait déterminé à quitter la Floride pour venir s’établir parmi les Français de la province voisine. Le nom de don Augustin de Certavallos était à peine connu au-delà des limites de la petite ville qu’il habitait, mais il trouvait un secret plaisir à le faire lire à sa fille unique dans de vieux parchemins où il était inscrit parmi ceux des héros et des grands de l’ancienne et de la nouvelle Espagne. Ce fait si important pour lui, et qui l’était si peu pour tout autre, était la principale raison qui faisait que, tandis que ses voisins français, plus vifs et plus ouverts, se familiarisaient aisément avec les nouveaux venus, il se tenait sur la réserve, et semblait se contenter de la société de sa fille, qui sortait à peine de l’enfance.

La curiosité de la jeune Inez avait pourtant quelque chose d’un peu plus actif. Elle n’avait pas entendu la musique martiale de la garnison, dont les sons lui étaient apportés par la brise du soir, et elle n’avait pas vu la nouvelle bannière déployée sur les hauteurs et s’élevant à peu de distance des vastes domaines de son père, sans éprouver quelques-unes de ces impulsions qui caractérisent son sexe. Cependant telle était sa timidité naturelle, et cette espèce de nonchalance particulière qui caractérise les femmes des possessions espagnoles situées entre les tropiques, et qui n’est pas le moindre de leurs charmes, que, sans un accident qui fournit à Middleton l’occasion de rendre un service personnel au père d’Inez, il est très-probable que les deux jeunes gens ne se seraient jamais connus, et qu’une autre direction aurait été donnée aux désirs de celui qui était dans l’âge où l’on sent tout le pouvoir de la jeunesse et de la beauté.

La Providence, — ou si ce mot imposant est trop vrai pour être classique, — le Destin en avait autrement ordonné. Le fier et réservé don Augustin connaissait trop bien ce qui était dû à un homme de sa naissance pour oublier les devoirs qu’elle lui imposait à lui-même. La reconnaissance du service que lui avait rendu Middleton le porta à ouvrir sa porte aux officiers de la garnison.