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regard à demi curieux pour chercher à apercevoir quelques-uns de ces signes qui indiquent un endroit où se trouvent réunies les trois choses qui leur étaient les plus nécessaires, l’eau, le bois et le fourrage.

Il paraîtrait que sa recherche fut infructueuse ; car, après avoir regardé quelques instants avec cette indolence qui lui était habituelle, il redescendit la colline à pas pesants et réguliers, comme ces animaux chargés de graisse, qui, en descendant, sont entraînés en bas autant par leur poids que par la rapidité de la descente.

Son exemple fut suivi en silence par ceux qui arrivèrent après lui ; les jeunes garçons jetèrent aussi leur coup d’œil chacun à leur tour, mais avec plus d’attention et d’intérêt. Le pas des hommes et des animaux s’était alors ralenti ; et il était évident que le temps n’était pas éloigné où le repos serait absolument nécessaire. L’herbe de la Prairie commençait à présenter des obstacles que la fatigue augmentait encore, et il fallait que le fouet stimulât à plusieurs reprises les attelages fatigués. Dans ce moment où, à l’exception du personnage principal, une lassitude générale gagnait les voyageurs, et où tous les yeux, par une sorte d’impulsion commune, se fixaient en avant, toute la troupe s’arrêta tout à coup, frappée d’un spectacle aussi soudain qu’inattendu.

Le soleil était descendu derrière la colline la plus prochaine, laissant après lui cette traînée de lumière qui marque son passage. Au milieu de cette lumière éclatante se dessinait une forme humaine, appuyée contre la hauteur, et aussi distincte et en apparence aussi palpable que s’il eût suffi détendre la main pour la toucher. La taille était colossale, l’attitude, celle d’une pensive mélancolie, et la place qu’elle occupait, exactement sur la route des voyageurs. Mais le reflet étincelant dont elle était entourée empêchait d’en distinguer plus particulièrement les proportions.

L’effet d’un pareil spectacle fut instantané. Celui qui marchait en avant s’arrêta et se mit à regarder l’objet mystérieux avec un morne intérêt qui bientôt fit place à une sorte de terreur superstitieuse. Ses fils, dès que le premier mouvement de surprise fut passé, se rapprochèrent lentement de lui ; ceux qui conduisaient leurs chariots imitèrent successivement leur exemple, et tous ne formèrent bientôt qu’un seul groupe silencieux et immobile. Quoique la première idée produite fût celle d’une apparition surnaturelle, un bruit d’armes se fit entendre ; c’étaient les deux plus