Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conduite d’Abiram, sans être justifié par l’autorité divine, qui avait ordonné au saint patriarche ce sacrifice terrible ! Mais ces images étaient si passagères, et se montraient dans un nuage si épais, qu’elles ne laissèrent pas de bien fortes impressions, et au total, cet événement, comme nous l’avons déjà dit, bien loin d’affaiblir l’autorité d’Ismaël, ne servit qu’à l’affermir.

Ce fut dans cette disposition d’esprit que la petite troupe continua à s’avancer vers le lieu d’où elle était partie le matin, pour s’occuper d’une recherche qui avait été couronnée d’un si fatal succès. La marche longue et inutile qu’ils avaient faite, en suivant les instructions d’Abiram, la découverte du corps d’Asa, et les travaux nécessaires pour lui donner la sépulture, avaient employé tant de temps, que, lorsqu’ils se remirent en marche pour traverser l’espace désert qui séparait le tombeau d’Asa du rocher, le soleil était déjà descendu bien au-dessous du méridien. À mesure qu’ils avançaient, le rocher semblait s’élever à leurs yeux comme une tour sortant du sein des eaux, et lorsqu’ils n’en furent plus qu’à un mille, les moindres objets qui en couronnaient la hauteur commencèrent à devenir distincts.

— Notre retour sera triste pour nos filles, dit la squatter, qui affectait de prononcer de temps en temps quelques mots qu’il jugeait propres à porter la consolation dans l’esprit accablé de sa vieille compagne ; Asa était le favori de tous les jeunes enfants, et il revenait rarement de la chasse sans en rapporter quelque chose qui leur fît plaisir.

— C’est bien la vérité, s’écria Esther ; Asa était la perle de la famille, mes autres enfants ne sont rien auprès de ce qu’il était.

— Ne parlez pas ainsi, bonne femme, lui dit son mari en jetant un coup d’œil sur le groupe des jeunes athlètes qui les suivaient à quelque distance ; ne parlez pas ainsi, ma vieille Esther, bien peu de pères et de mères ont encore sujet d’être aussi fiers que nous.

— Reconnaissants, Ismaël, reconnaissants, dit Esther avec humilité ; c’est reconnaissants que vous devriez dire.

— Soit, reconnaissants, si ce mot vous plaît davantage, vieille Esther. — Mais où sont donc Nelly et ses enfants ? La péronnelle a oublié les fonctions dont je l’ai chargée. Non seulement elle a laissé les enfants s’endormir, mais je réponds qu’elle rêve elle-même en ce moment aux champs de Tenessee : l’esprit de votre nièce est resté dans les habitations, Esther.