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Ismaël regarda son intraitable moitié avec un sourire de pitié indulgente. Voyant qu’elle était déjà en marche d’un côté qui n’était ni celui qu’avait indiqué Abiram, ni celui vers lequel il aurait cru lui-même devoir se diriger, il ne voulut pourtant pas serrer de trop près en ce moment les rênes de l’autorité maritale, et il se soumit silencieusement à sa volonté. Mais le docteur Battius, qui jusqu’alors avait suivi l’amazone en silence et d’un air pensif, jugea à propos d’élever à son tour sa faible voix en forme de remontrance :

— Digne et bonne mistress Bush, lui dit-il, je suis d’accord avec le compagnon de votre vie pour penser que quelque ignis fatuus[1] de l’imagination a trompé Abiram relativement aux signes ou symptômes dont il nous a parlé.

— Symptômes vous-même ! s’écria la virago ; ce n’est pas le moment de chercher de grands mots dans vos livres, ni le lieu convenable pour nous faire avaler vos drogues. Si vous êtes las, dites-le franchement, et en ce cas accroupissez-vous comme un chien qui à une épine dans la patte, et prenez le repos dont vous avez besoin.

— J’adopte votre opinion, répondit le naturaliste avec le plus grand sang-froid. Et suivant à la lettre le conseil ironique d’Esther, il s’assit fort tranquillement à côté d’un arbrisseau indigène dont il commença l’examen à l’instant même, pour que la science ne perdît rien du tribut important qui lui était dû. — Vous voyez que je suis vos excellents conseils, mistress Bush ; continuez à chercher votre fils ; moi je m’arrête ici, pour m’occuper d’une recherche plus importante, d’une investigation des arcana[2] du grand livre de la nature.

Elle ne lui répondit que par un éclat de rire méprisant, et même ses lourdauds de fils, en passant lentement devant le naturaliste déjà plongé dans son examen, n’oublièrent pas de marquer leur dédain par un sourire expressif. Au bout de quelques minutes, la petite troupe disparut derrière une hauteur, et le docteur put continuer ses recherches scientifiques dans une solitude complète.

Pendant la demi-heure suivante, Esther continua à marcher sans obtenir plus de succès. Cependant ses pauses devenaient plus fréquentes, et quand elle s’arrêtait, ses regards inquiets erraient de côté et d’autre. Tout à coup on entendit du bruit dans les

  1. Quelque feu follet.
  2. Des mystères.