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lame droite, richement orné et excessivement dangereux, était passé dans une écharpe de filet de soie rouge ; une autre ceinture, ou plutôt un ceinturon de cuir écru soutenait une paire de très-petits pistolets, placés dans des fourreaux où ils s’adaptaient à merveille ; sur ses épaules était suspendu un fusil de calibre, court et pesant ; sa poire à poudre et sa giberne occupaient leurs places ordinaires sous son bras ; enfin il portait sur le dos un havresac marqué des initiales bien connues, qui ont depuis valu au gouvernement des États-Unis le sobriquet plaisant et fantasque d’oncle Sam[1].

— Je me présente comme ami, dit l’étranger, trop accoutumé à la vue des armes pour être ému par l’attitude grossièrement belligérante que venait de prendre le docteur Battius ; vous ne voyez en moi qu’un ami, un homme dont les désirs et les projets ne croiseront nullement les vôtres.

— Étranger, dit Paul Hover d’un ton à demi brusque, sauriez-vous suivre une abeille depuis cette clairière jusqu’à un bois situé peut-être à une douzaine de milles ?

— L’abeille est un oiseau que je n’ai jamais été obligé de chasser, répondit l’inconnu en souriant, quoique j’avoue que dans mon temps j’ai été aussi chasseur à la plume.

— C’est ce que je pensais, s’écria Paul en lui tendant la main avec cette franchise libre et cordiale qui caractérise l’habitant des provinces frontières des États-Unis ; donnons-nous la main, vous et moi, nous ne nous disputerons jamais les gâteaux, puisque vous faites si peu de cas du miel ; et maintenant s’il y a un coin vide dans votre estomac, et si vous savez apprécier une véritable goutte de rosée du ciel quand elle vous tombe dans la bouche, voici ce qu’il convient d’y verser. Goûtez cela, et après l’avoir goûté, si vous ne le trouvez pas aussi bon que quoi que ce soit que vous ayez bu depuis que… Combien y a-t-il de temps que vous avez quitté les habitations ?

— Plusieurs semaines, et je crains qu’il ne s’en passe encore autant avant que je puisse y retourner. Cependant j’accepterai

  1. Les troupes des États-Unis portent sur leurs havresacs les initiales U. S. (United-states). On dit qu’un plaisant du pays, voyant passer un soldat dont le havresac portait les lettres U. S. L. D (c’est-à-dire United States, Light Dragons ; États-Unis, Dragons Légers) s’est écrié : Uncle Sam’s Lazy dogs ! Chiens fainéants d’Oncle Sam ! Peut-être n’en a-t-il pas fallu davantage pour que le sobriquet en soit resté au gouvernement. Les Indiens les plus près des villes, ceux qui voient le plus de soldats en uniforme, appellent souvent le président des États-Unis (U. S.) Oncle Samuel (Uncle Sam).