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quelques centaines de milles plus vers l’est, sans le désir intérieur que j’éprouve de voir un jour la bête en question, afin de la décrire et de la classer convenablement. Ce désir, ajouta-t-il en baissant la voix comme quelqu’un qui fait part d’un secret important, ce désir sera bientôt satisfait, et je ne suis pas sans espoir d’obtenir d’Ismaël la permission de la disséquer.

— Vous l’avez donc vue ?

— Non pas avec les yeux, mais avec les lumières bien plus certaines du raisonnement. Je sais observer, jeune homme, et par suite d’une foule de circonstances, légères en apparence, qui auraient échappé à un observateur vulgaire, je puis prononcer sans crainte que c’est un animal monstrueux, d’un appétit vorace, sans activité, et qui, de plus, d’après le témoignage irrécusable de ce digne chasseur, est carnivore.

— Tout ce que je voudrais savoir, étranger, dit Paul sur lequel la description du docteur n’avait pas laissé que de faire impression, c’est si vous êtes sûr que ce soit une bête.

— Quant à cela, s’il me fallait d’autres preuves d’un fait que j’ai établi d’une manière irréfragable, je pourrais citer le témoignage d’Ismaël lui même ; car je ne tire pas la plus légère induction que je ne puisse démontrer. Je ne suis point dominé par un vain sentiment de curiosité, jeune homme ; si je désire augmenter le cercle de mes connaissances, c’est d’abord, je dois l’avouer, pour l’avancement de la science, et, en second lieu, pour l’intérêt de mes semblables. Je brûlais intérieurement de savoir ce que contenait la tente que le squatter gardait avec tant de soin, et dont il m’avait fait jurer, jurare per Deos, que je n’approcherais pas d’un certain nombre de coudées, pendant un temps convenu. Un jusjurandum, ou serment, est une chose sérieuse, et avec laquelle il ne faut point badiner. Cependant, comme c’était la condition sine qua non du traité, je m’y soumis, me réservant toutefois la faculté d’observer de loin. Il y a dix jours environ qu’Ismaël, prenant pitié de l’état où il me voyait, m’apprit que le chariot contenait une bête qu’il portait dans la Prairie comme un leurre à la faveur duquel il espérait en prendre d’autres du même genus, on peut-être species. Depuis lors, mon rôle s’est réduit à observer simplement les habitudes de l’animal, et à noter les résultats. Lorsque nous serons arrivés à une certaine distance où l’on dit que ces sortes de bêtes abondent, il me sera permis d’examiner tout à mon aise l’animal en question.