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duisit à son égard comme s’il n’avait été qu’un intendant à qui il aurait eu confié l’administration de ses biens.

Dès qu’Édouard Effingham se trouva en possession de sa fortune, son premier soin fut de chercher son ancien ami Marmaduke, et de lui offrir toute l’aide qu’il était alors en son pouvoir de lui donner.

Cette offre venait à propos pour notre jeune Pensylvanien ; car les biens peu considérables de Marmaduke ayant été partagés après sa mort entre ses nombreux enfants, il ne pouvait guère espérer d’avancer facilement dans le monde, et, tout en se sentant les facultés nécessaires pour y réussir, il voyait que les moyens lui manquaient. Il connaissait parfaitement le caractère de son ami, et rendait justice à ses bonnes qualités sans s’aveugler sur ses faiblesses. Effingham était naturellement confiant et indolent, mais souvent impétueux et indiscret. Marmaduke était doué d’une vive pénétration, d’une égalité d’âme imperturbable, et avait un esprit aussi actif qu’entreprenant. Dès le premier mot qu’Édouard lui dit à ce sujet, il conçut un projet dont le résultat devait être également avantageux pour tous deux, et son ami l’adopta sur-le-champ. Toute la fortune mobilière de M. Effingham fut placée entre les mains de Marmaduke Temple, et servit à établir une maison de commerce dans la capitale de la Pensylvanie. Les profits devaient se partager par moitié, mais le nom d’Effingham ne devait paraître en rien, car il avait un double motif pour désirer que cette société restât secrète. Il avoua franchement le premier à Marmaduke, mais il garda l’autre profondément caché dans son sein : c’était l’orgueil. L’idée de montrer au monde le descendant d’une famille militaire occupé d’opérations commerciales, et en retirant un profit, même indirectement, lui était insupportable, et il aurait cru être déshonoré à jamais si ce fait était parvenu à la connaissance du public.

Mais, à part ce motif d’amour-propre, il en avait un autre pour désirer que cette liaison restât ignorée de son père. Indépendamment des préjugés du major contre le commerce, il avait une antipathie prononcée contre les Pensylvaniens, parce qu’étant un jour détaché avec une partie de son régiment sur les frontières de la Pensylvanie pour mettre obstacle aux progrès de Français unis à quelques tribus indiennes, il n’avait pu réussir à faire prendre les armes aux paisibles quakers qui habitaient cette pro-