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aussi à couvrir leurs cendres. Il n’y a pourtant que quarante ans[1] que tout ce territoire était encore un désert.

Peu de temps après la consolidation de l’indépendance des États-Unis par la paix de 1783, l’esprit entreprenant de leurs citoyens chercha à exploiter les avantages naturels que présentaient leurs vastes domaines. Avant la guerre de la révolution, les parties habitées de la colonie de New-York ne formaient pas le dixième de son étendue. Une étroite lisière qui courait jusqu’à une distance très-peu considérable sur les deux rives de l’Hudson, une autre ceinture pareille d’environ cinquante milles de longueur sur les bords de la Mohawk, les îles de Nassau et de Staten, et un petit nombre d’établissements isolés près de quelques ruisseaux, composaient tout le territoire habité par une population qui ne s’élevait pas à deux cent mille âmes. Pendant le court espace de temps que nous venons d’indiquer, cette population s’est répandue sur cinq degrés de latitude et sept de longitude, et elle monte aujourd’hui à près de quinze cent mille habitants[2] qui vivent dans l’abondance, et peuvent envisager des siècles dans l’avenir, sans avoir à craindre que leur territoire devienne insuffisant pour leur postérité.

Notre histoire commence en 1793, environ sept ans avant la formation d’un de ces premiers établissements qui ont effectué dans la force et la situation de cet État le changement presque magique dont nous venons de parler.

On était à la fin de décembre, la soirée était froide, mais belle, et le soleil était près de se coucher, quand un sleigh[3] vint gravir lentement une des montagnes du pays dont nous venons de faire la description. Le jour avait été pur pour la saison, et l’atmosphère n’avait été chargée que de deux ou trois gros nuages que les derniers rayons du soleil, réfléchis par la masse de neige qui

  1. Ce livre a été écrit en 1823.
  2. La population de New-York est aujourd’hui (1831) de 2.000.000 d’habitants.
  3. Sleigh est le terme dont on se sert dans tous les États-Unis pour désigner un traîneau. Il est d’un usage local dans l’ouest de l’Angleterre d’où il est probablement passé en Amérique. Les Américains font une différence entre un sled ou sledge et un sleigh, le sleigh étant ferré. Les sleighs sont subdivises en sleigh à deux chevaux et slelgh à un cheval. Dans la subdivision de ces derniers on place le cutter dont le timon est arrangé de manière à ce que le cheval soit placé du côté de l’ornière ; le pung ou towpung qui est conduit avec un timon, et le gumper, grossière construction en usage temporaire dans les nouvelles contrées.
    La plupart des traîneaux d’Amérique sont élégants, quoique la mode en soit beaucoup diminuée par l’amélioration du climat, provenant du défrichement des forêts.