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M. Jones désirait que je prononçasse les prières de la communion et tout le service du matin ; mais, comme les canons de notre Église ne l’exigent pas, je m’en suis dispensé, de crainte de fatiguer ma nouvelle congrégation. Demain je me propose d’administrer le sacrement aux fidèles de notre communion : y participerez-vous, mon jeune ami ?

— Je ne le crois pas, Monsieur, répondit Edwards avec un peu d’embarras, qui s’augmenta encore quand il vit miss Grant s’arrêter involontairement, et le regarder avec un air de surprise ; je crains de ne pas être dans des dispositions convenables ; les idées qui m’occupent en ce moment tiennent trop au monde pour me permettre d’approcher de l’autel.

— Chacun doit être son juge à cet égard, dit le ministre ; et j’avouerai même que j’ai remarqué ce soir, dans vos manières à l’égard du juge Temple, un ressentiment qui n’était nullement d’accord avec ce que nous prescrit l’Évangile. Nous avons toujours tort de nous livrer à notre ressentiment, en quelque circonstance que ce puisse être ; mais nous sommes doublement répréhensibles quand l’injure que nous avons reçue ne nous a pas été faite avec intention.

— Il y a du bon dans les paroles de mon père, dit John Mohican ; ce sont les paroles de Miquon[1]. L’homme blanc peut faire ce que ses pères lui ont appris ; mais le jeune aigle a dans ses veines le sang d’un chef delaware. Ce sang est rouge, et la tache qu’il fait ne peut se laver que dans celui d’un Mingo[2].

Surpris de cette interruption, M. Grant s’arrêta et se tourna vers le vieil indien, qui le regarda d’un air fier et déterminé.

— John, s’écria-t-il en levant les mains vers le ciel, est-ce là la religion que vous ont apprise vos frères Moraves ? Non, je ne serai pas assez peu charitable pour le croire ; ce sont des gens doux et pieux ; ni leur exemple ni leurs préceptes ne peuvent vous avoir inspiré de tels sentiments. Écoutez le langage de notre Rédempteur : Aimez vos ennemis ; bénissez ceux qui vous maudissent ; faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent. Tel est le com-

  1. Il ne faut pas publier que c’est Penn que l’Indien désigne toujours sous ce nom ; et, quand il parle des enfants ou des frères de Miquon, il veut désigner les quakers.
  2. Mingo est le nom général sous lequel les Indiens Delawares désignent les Indiens des six nations qui étaient leurs ennemis. (Voyez les notes du Dernier des Mohicans.)