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qui, recouvrant enfin l’usage de sa main droite, plongea l’arme acérée dans le cœur de son adversaire, qui tomba sans vie à ses pieds.

Pendant ce temps, Heyward avait à soutenir une lutte encore plus dangereuse. Dès sa première attaque, son épée avait été brisée par un coup du redoutable couteau de son ennemi, et comme il n’avait aucune autre arme défensive, il ne pouvait plus compter que sur sa vigueur et sur la résolution du désespoir. Mais il avait affaire à un antagoniste qui ne manquait ni de vigueur ni de courage. Heureusement il réussit à le désarmer, son couteau tomba sur le rocher, et de ce moment il ne fut plus question que de savoir lequel des deux parviendrait à en précipiter l’autre. Chaque effort qu’ils faisaient les approchait du bord de l’abîme, et Duncan vit que l’instant était arrivé où il fallait déployer toutes ses forces pour sortir vainqueur de ce combat. Mais le sauvage était également redoutable, et tous deux n’étaient plus qu’à deux pas du précipice au bas duquel était le gouffre où les eaux de la rivière s’engloutissaient. Heyward avait la gorge serrée par la main de son adversaire ; il voyait sur ses lèvres un sourire féroce qui semblait annoncer qu’il consentait à périr s’il pouvait entraîner son ennemi dans sa ruine ; il sentait que son corps cédait peu à peu à une force supérieure de muscles, et il éprouvait l’angoisse d’un pareil moment dans toute son horreur. En cet instant d’extrême danger, il vit paraître entre le sauvage et lui un bras rouge et la lame brillante d’un couteau : l’Indien lâcha prise tout à coup : des flots de sang jaillissaient de sa main, qui venait d’être coupée, et tandis que le bras sauveur d’Uncas tirait Heyward en arrière, son pied précipita dans l’abîme le farouche ennemi, dont les regards étaient encore menaçants.

— En retraite ! en retraite ! cria le chasseur, qui venait alors de triompher de son adversaire ; en retraite ! votre vie en dépend. Il ne faut pas croire que ce soit une affaire terminée.

Le jeune Mohican poussa un grand cri de triomphe, suivant l’usage de sa nation, et les trois vainqueurs, descendant du rocher, retournèrent au poste qu’ils occupaient avant le combat.