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des sons dont son oreille délicate aurait été blessée si elle avait pu les recueillir. En un mot, les quatre voyageurs se laissèrent aller au sommeil.

Mais leurs protecteurs infatigables ne se relâchèrent pas un instant de leur vigilance. Immobiles comme le roc dont chacun d’eux semblait faire partie, leurs yeux seuls se tournaient sans cesse de côté et d’autre le long de la ligne obscure tracée par les arbres qui garnissaient les deux bords du fleuve et qui formaient les lisières de la forêt. Pas un mot ne leur échappait, et l’examen le plus attentif n’aurait pu faire reconnaître qu’ils respiraient. Il était évident que cette circonspection, excessive en apparence, leur était inspirée par une expérience que toute l’adresse de leurs ennemis ne pouvait tromper ; cependant leur surveillance ne leur fit découvrir aucun danger. Enfin la lune descendit vers l’horizon, et une faible lueur se montrant, au-dessus de la cime des arbres, à un détour que faisait la rivière à quelque distance, annonça que l’aurore ne tarderait pas à paraître. Alors une de ces statues s’anima ; le chasseur se leva, se glissa en rampant le long du rocher, et éveilla le major.

— Il est temps de nous mettre en route, lui dit-il ; éveillez vos dames, et soyez prêts à monter dans le canot dès que je vous en donnerai le signal.

— Avez-vous eu une nuit tranquille ? lui demanda Heyward ; quant à moi, je crois que le sommeil a triomphé de ma vigilance.

— Tout est encore aussi tranquille que l’heure de minuit, répondit Œil-de-Faucon. Du silence, mais de la promptitude.

Le major fut sur ses jambes en un clin d’œil, et il leva sur-le-champ le châle dont il avait couvert les deux sœurs. Ce mouvement éveilla Cora à demi, et elle étendit la main comme pour repousser ce qui troublait son repos, tandis qu’Alice murmurait d’une voix douce : — Non, mon père, nous n’étions pas abandonnées ; Duncan était avec nous.

— Oui, charmante innocente, dit à voix basse le jeune homme transporté, Duncan est avec vous, et tant que la vie lui sera conservée, tant que quelque danger vous menacera, il ne vous abandonnera jamais. Alice, Cora, éveillez-vous ! voici l’instant de partir.

Un cri d’effroi poussé par la plus jeune des deux sœurs, et la vue de l’aînée, debout devant lui, image de l’horreur et de la consternation, furent la seule réponse qu’il reçut. Il finissait à peine de